vendredi 29 février 2008

Chronologie de l'antitrinitarisme

Michel Servet mourut par le feu parce qu’il était antitrinitaire.
Sébastien Castellion mourut de fatigue traqué qu’il était par ses ennemis de Genève, non pas parce qu’il pensait strictement comme Servet, mais parce qu’il s’était élevé contre le supplice de Servet et qu’il avait écrit contre l’obligation de croire au dogme trinitaire pour être sauvé.

Certaines personnes meurent pour avoir cru, d’autres pour n’avoir pas cru…
Des hommes sont morts au cours des siècles, des chrétiens dans les prisons et arènes romaines aux hérétiques et autres « sorciers » sur les bûchers du moyen-âge, parce qu’ils croyaient en autre chose que leurs contemporains.
Durant le 16ème siècle, siècle de lumière sur la condition de l’homme, on voit naitre un autre cas de figure.
Alors que jusque-là le crime suprême en matière de conscience était de croire en autre chose, le nouveau crime fut de ne pas croire en quelque chose de précis ou de croire mais autrement.

Les antitrinitaires étaient de ceux-là.
Pourtant chrétiens, ils furent considérés comme hérétiques par l’inquisition catholique d’abord puis par ceux que Rome avait combattue sans succès, les protestants se réclamant des trois grands courant, luthériens, calvinistes, zwinglistes.
Ces derniers, bien qu’ayant connu la persécution, prendront des mesures radicales contre l’antitrinitarisme allant jusqu’à réclamer la peine de mort contre ses tenants.
Le procès de Servet fut la plus grande démonstration de la haine que nourrissaient les trinitaires à l’encontre de leurs détracteurs.

Face à la découverte de toute cette intolérance à leur encontre, moi qui également rejette le dogme trinitaire, je me suis livré à quelques recherches historiques pour établir une chronologie qui, sans être exhaustive, soit la plus détaillée que possible de l’antitrinitarisme.

Cette chronologie retrace l’histoire de l’antitrinitarisme sans faire de distinction entre les différents courant de pensés. On trouvera donc parfois des courants strictement biblicistes mais également de tendance libérale ou rationaliste. Il sera nécessaire sous ce rapport de prendre en compte qu’il n’y a aucune relation directe entre la conception non trinitaire des églises Unitariennes et celle d’autres mouvements tels que les Témoins de Jéhovah. Cependant un certain nombre d'entre eux sont liés historiquement comme le démontre le schéma ci-après.

Chronologie

Vers 750 av. J-C - Rédaction du livre biblique d'Isaïe annonçant la venue du Messie. Celui-ci serait appelé ʼÉl gibbôr, c'est à dire "Dieu fort", et ʼAvi-ʽadh, c'est à dire "Père éternel" (cf. 9:6). Mais les traducteurs ne s'accordent pas sur le sens du texte suivant qu'ils sont juifs ou chrétiens. La version grecque des Septante rend par ailleurs le verset 6 de façon totalement différente du texte hébreu massorétique*.

Entre 40 et 65 - Rédaction des livres chrétiens formant le Nouveau Testament (à l’exception des livres johanniques plus tardifs). Le Christ est appelé Fils de Dieu et Seigneur mais n'est jamais placé sur un plan d'égalité avec le Père. L'esprit saint n'est jamais identifié comme étant une personne.

Vers 100 - Rédaction de l'évangile selon Jean affirmant la double nature du Christ, divine et humaine, en réaction aux croyances des judéo-chrétiens et des gnostiques. La traduction du premier verset du prologue de Jean fait cependant toujours l'objet d'une querelle d'école entre les linguistes, à savoir si le Logos est "dieu", "un dieu" ou "(le) Dieu". Quand au verset 18 du prologue il varie suivant les manuscrits. Certains le rendent par "le fils unique (engendré) qui est dans le sein du Père" alors que d'autres le rendent par "le dieu unique (engendré)".

Vers 120 - (Saint) Ignace d'Antioche appel Jésus-Christ "notre Dieu" dans plusieurs de ses lettres mais l’authenticité de certaines est contestée. Dans les autres il le nomme simplement Fils et Seigneur.

Vers 150 - Dans sa première apologie (Saint) Justin écrit à propos du Christ qu'il est également Dieu comme le Père l'est mais plutôt par représentation.

Vers 180 - (Saint) Irénée de Lyon affirme dans son Contre les hérésies la divinité du Christ selon le schéma de l'évangile de Jean, néanmoins sans entrer encore dans des considérations métaphysiques.

(Saint) Théophile d'Antioche dans son A Autolycus est le premier à employer le mot grec trias (traduisible par triade ou trinité) non pour parler du Père, du Fils et du Saint-Esprit mais "de Dieu, de son Verbe et de sa Sagesse".

Vers 200 - Tertullien emploi le mot latin trinitas (en français trinité) et pose le fondement réel de la doctrine trinitaire en écrivant dans son Contre Praxéas que "lui aussi (l'Esprit) est une personne si bien que la divinité est une Trinité". Mais Tertullien demeure "subordinatianiste" (le Fils est inférieur au Père).

Vers 230 - Origène emploi également le mot trinité dans son De Principiis, affirme l'omnipotence du Fils et personnifie le Saint-Esprit le plaçant sur un plan d'égalité avec le Père et le Fils.

318 – A Alexandrie le prêtre Arius prêche un Christ inférieur au Père.
Athanase, secrétaire de l’évêque Alexandre, sera son premier détracteur. Début de la controverse dite « arienne ».
325 – Au Concile de Nicée la controverse tourne au profit des tenants de la divinité totale du Christ (Jésus est déclaré égale à Dieu son père).
Vers 350 - (Saint) Hilaire de Poitiers rédige un ouvrage intitulé De trinitate contre l'arianisme.
381 – Fin de la controverse arienne au concile de Constantinople qui place le Saint-Esprit sur le même plan que Dieu et le Christ. Naissance officielle du dogme trinitaire.
Vers 400 - (Saint) Épiphane de Salamine et (Saint) Jérôme parlent dans leurs écrits de l’existence d'une communauté judéo-chrétienne dont les membres se nomment Nazôréens. Ils niaient probablement la divinité du Christ et, de source sûre, n'adhéraient pas à la trinité nicéenne.
Vers 580 - Le roi Franc Chilpéric Ier, pourtant catholique, embrasse une foi personnelle de type modaliste. Selon les dires de Grégoire de Tours il aurait rédigé un petit traité sur la Trinité (contre la Trinité nicéenne) et réclama que les évêques adhèrent à sa pensée (Histoire des Francs, livre V).
612 - Début de la prédication du prophète Mahomet en Arabie. Il enseignera l'unicité stricte de Dieu contre la filiation divine de Jésus et la Trinité.
644 - Compilation définitive des révélations données à Mahomet sous le Califat de Othman Ibnou Affan. Cette compilation appelée le Coran (littéralement "Récitation") déclare avec force "Le Messie Jésus, fils de Marie, n'est qu'un Messager d'Allah (...). Et ne dites pas "Trois". Cessez! (...) Allah n'est qu'un Dieu unique. Il est trop glorieux pour avoir un enfant" (4:171).

Bien qu’en certains endroit, notamment en Germanie, il faudra attendre le 9ème siècle pour que le dogme soit universellement reconnu et accepté, la Trinité ne sera plus remise en question ni par les Eglises Catholique et Orthodoxe ni par les premiers réformateurs officiels (tels Luther, Zwingli ou Calvin) mais sera au contraire développée.

1440 – Le pré réformateur tchèque Petr Chelčický écrit Le filet de la foi.

1458 - Petr Chelčický persuade de petits groupes d’anciens hussites de diverses régions de la Tchéquie de partir de chez eux pour le suivre à Kunwald, où ils fondent la communauté religieuse de l’Unité des Frères moraves.
Par la suite, des groupes de vaudois tchèques et allemands les rejoignent.

1464 à 1467 – Développement de l’Unité des Frères. Rédaction des Acta Unitatis Fratrum.

1494 – L’Unité des Frères se scinde en deux groupes le parti majeur et le parti mineur.
C’est le parti mineur qui demeurera antitrinitaire.

1516 – Érasme supprime de son Nouveau Testament grec l’ajout trinitaire apocryphe de 1 Jean 5 :7.

1523 – Érasme émet des réserves à propos du caractère orthodoxe de la doctrine trinitaire dans sa préface pour l'édition du De Trinitate d'Hilaire de Poitiers (Voir Roland Bainton, Michel Servet – hérétique et martyr, chap. 2, page 22 de l'édition Droz 1953).

1524 – Jan Kalenec, dirigeant du parti mineur, est flagellé et torturé au moyen du feu et trois autres membres meurent sur le bûcher.

v. 1525- L’anabaptiste allemand Hans Denck publie un ouvrage dans lequel il remet en question l'enseignement « orthodoxe » de la Trinité.

1527 – L’anabaptiste allemand Martin Cellarius publie Sur les travaux de Dieu dans lequel il enseigne que Jésus était Dieu seulement dans le sens qu’il était rempli de l’esprit de Dieu.
Le chef des églises anabaptistes de Suisse Michael Sattler est brulé publiquement à Rottenburg am Neckar après avoir eu la langue coupée et avoir été partiellement écorché pour avoir remis en question le dogme trinitaire.

1528 – Le prédicateur anabaptiste allemand Jacop Kautz, défenseur des idées de Denck, est emprisonné à Strasbourg puis banni.

1530 - L’anabaptiste Conradin Bassen est décapité et exposé publiquement à Bâle pour avoir nié la déité du Christ.

1531 – L'étudiant et futur médecin espagnol Michel Servet écrit, vers l’âge de 20 ans, De Trinitatis erroribus dans lequel il pose le fondement réel de ce qui deviendra l’antitrinitarisme.
L’anabaptiste allemand Johannes Campanus publie En opposition au monde entier depuis les apôtres dans lequel il enseigne que seuls sont divins le Père et le Fils et que le Saint-Esprit n'est pas une personne mais représente la puissance divine.

1532 – Michel Servet écrit Dialogorum de Trinitate.

1533 – Arrestation de Johannes Campanus. Il passe 26 ans dans les prisons de Clèves.

1539 – Hélène Weigel, 80 ans, monte sur le bûcher à Cracovie pour avoir cru en l’unité de Dieu, après avoir passée dix ans dans une geôle où elle avait été jetée à la suite de la dénonciation de l'évêque.

1544 – L'anabaptiste néerlandais (flamand) David Joris publie Het wonderboeck dans lequel il enseigne que la Trinité tend à obscurcir notre connaissance de Dieu.

1550 – Synode anabaptiste de Venise pour définir la vrai nature du Christ auquel assistent des antitrinitaires.
Le premier article doctrinal déclare que le Christ n'est pas Dieu mais homme doté de puissances divines.
Mort des derniers Frères moraves.

1553 – Michel Servet écrit la Christianismi Restitutio dans lequel il réitère son rejet de la Trinité.
La même année il est arrêté et incarcéré une première fois à Lyon par l’inquisition Catholique puis une seconde fois à Genève par les Calvinistes où il sera jugé et condamné à être brulé vif.

1554 – L'anabaptiste italien Camillo Renato envoi à Calvin une poésie latine de protestation au brûlage de Servet.
Son système de pensée proche de celui des Sociniens influence son entourage dont un cercle, composé notamment de Biandrata, propage des idées antitrinitaires.
Le réformé italien Matteo Gribaldi, visiteur occasionnel de l'église italienne de Genève, exprime clairement ses opinions défavorables à la Trinité.

1556 – Mort à Bâle de David Joris connu sous le pseudonyme de Jan van Brugge.
Trois ans après que sa véritable identité ai été révélée, ses restes et ses ouvrages sont brulés après un procès posthume pour hérésie.

1558 – A Genève Calvin rédige pour l'église italienne une profession de foi très stricte opposée aux idées de ses membres antitrinitaires.

1563 – Le théologien réformé Sébastien Castellion écrit De l’art de douter et de croire, d’ignorer et de savoir dans lequel il oppose le symbole d’Athanase à la raison et à la Bible et conclu en disant que croire en la Trinité n’est en rien nécessaire au salut.

1565-1658 – Organisation de la Petite Eglise Polonaise, communauté réformé antitrinitaire, à la diète de Piotrkow.

1566 – Le hongrois Ferencz Dávid, ancien catholique, évêque luthérien puis surintendant calviniste devient antitrinitaire sous l’influence de Georges Biandrata et embrasse les idées de Michel Servet.

1567 – Ferencz Dávid et Georges Biandrata font publier un recueil de textes antitrinitaires.

1571 – Edit de tolérance du prince hongrois Jean Sigismond de Transylvanie et création de la première Eglise unitarienne de Transylvanie par Ferencz Dávid. Cette Eglise existe toujours.

1579 – Les Italiens Lelio et Fausto Socini (Sozzini) rejoignent la Petite Eglise polonaise. Ferencz Dávid décède en prison.

1594 – Fausto Socini publie, après un travail de vingt années, Jésus-Christ Sauveur qui inspirera le catéchisme de Rakow.

1605 – Catéchisme (antitrinitaire) de Rakow (par les Frères polonais).

1611 – Jan Tyskiewicz est brûlé sur le bûché à Varsovie.

1616 – Début de la persécution des sociniens. Certains sont expulsés d’Altdorf.

1647 – Le théologien anglais antitrinitaire John Biddle publie les XII Arguments.

1648 – John Biddle publie sa confession de foi.

1651 – A peine publié à Londres on ordonne de brûler le catéchisme de Rakow.

1654 – John Biddle publie son catéchisme (antitrinitaire).

1655 – Bannissement de John Biddle. Il part en Islande.

1693 – En Angleterre, la Chambre des Lords fait brûler un pamphlet contre la trinité et, l’année suivante, poursuit en justice son auteur ainsi que l’imprimeur.

1697 – Thomas Aikenhead, étudiant de dix-huit ans accusé de nier la trinité, est pendu à Édimbourg.

1702 - Thomas Emlyn, prédicateur presbytérien anglais, publie An humble inquiry into the Scripture account of Jesus-Christ, son premier ouvrage à caractère unitarien. Emlyn rédigera pas moins de 14 textes et ouvrages défendant l'unité de Dieu et le socinianisme.

1711 – William Whiston, traducteur des œuvres de Josèphe et ami d’Isaac Newton, perd sa chaire à Cambridge pour son rejet de la Trinité.

1712 – Le théologien anglais et ami d’Isaac Newton, Samuel Clarke, publie un traité de la Trinité et provoque quelques foudres.

1754 – Parution, vingt sept ans après sa mort, du livre d’Isaac Newton An Historical Account of Two Notable Corruptions of Scripture où l’auteur oppose le grec du Nouveau Testament à la doctrine trinitaire.

1759 – Parution en Angleterre du livre Union de l’universaliste James Relly.

1768 - Le théologien et scientifique Suédois Emanuel Swedenborg est accusé de socinianisme dans son pays bien que son système soit plutôt de type modaliste.

1779 – John Murray, disciple de James Relly, occupe la chair de l’Independent Christian Church of Gloucester (Massachusetts), première Eglise universaliste organisée aux Etats-Unis.
L’universalisme n’est pas antitrinitaire mais s'associera à l'unitarisme au 20ème siècle.

1782 – Le chimiste et théologien anglais Joseph Priestley publie Une histoire des corruptions du christianisme.
L’ouvrage sera officiellement brûlé en 1785 à cause de son caractère unitarien.

1794 – Joseph Priestley émigre aux Etats-Unis.

1796 – Formation, aux Etats-Unis, de la première Eglise unitarienne à Philadelphie par Joseph Priestley.

1805 – L’unitarien américain John Sherman publie One God in One Person Only.

1811 – Extinction du socinianisme proprement dit en Prusse.

1815 – Parution de American Unitarism.

1821 – Rencontre des antitrinitaires anglais et des unitariens de Transylvanie.

1824 – L’ancien pasteur baptiste Henry Grew rédige une réfutation de la Trinité intitulée An Examination of the Divine Testimony Concerning the Character of the Son of God.

1825 – Formation des associations unitariennes en Amérique et en Angleterre.
1827 - Le prédicateur Elias Hicks fonde une branche dissidente libérale au sein du mouvement Quaker. Ils professeront une doctrine unitarienne proche du socinianisme.
1830 – Organisation officiel de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours (ou église mormone).
Joseph Smith, premier président et prophète de l’église, enseignera suite à sa vision de 1820 que le Père et le Fils sont deux êtres de chair distincts l’un de l’autre et suite à une révélation, que le Saint Esprit est une personne spirituelle.
Cette église est à considérer par conséquent comme antitrinitaire.

1831 – Le pasteur genèvois Jean-Jacques-Caton Chenevière publie un essai de 239 pages intitulé Du système théologique de la Trinité dans lequel il démontre que celle-ci est contraire à l'opinion générale de l'Église primitive, que ce système se forma graduellement, qu'il ne fut achevé qu'en 381 et qu'il est contraire à la raison ainsi qu'à l'Écriture sainte.


1844 – Début de la collaboration entre Henry Grew et l’ancien pasteur méthodiste George Storss.

1850 – L'américain John Thomas, proche de la réforme radicale et de l'adventisme, publie Elpis Israel: an exposition of the Kingdom of God with reference to the time of the end and the age to come dans lequel il développe son interprétation des principales doctrines de la Bible et notamment son rejet de la Trinité.

1853 – Alexander Hislop, pasteur de la East Free Church of Arbroath (Écosse) publie un livre intitulé Les deux Babylone dans lequel il révèle, sans toutefois la condamner, les véritables origines de la croyance trinitaire.

1857 – Henry Grew rédige Un appel aux pieux trinitaires. En Autriche on tente de faire cesser l’unitarisme.

1858 - Gilbert Cranmer fonde l'Eglise de Dieu (Septième jour), mouvement non trinitaire. Cette église n'est pas l'Eglise Adventiste du 7ème jour qui sera fondée deux ans plus tard.

v.1860 à 1879 – George Storrs publie le magazine The Bible Examiner dans lequel sera régulièrement exposé le caractère non fondé du dogme trinitaire.
1860 - Fondation de l'Eglise adventiste du 7ème jour à Washington. Cette église sera officiellement antitrinitaire jusqu'en 1931, date à laquelle la foi trinitaire sera réintroduite. Il existe cependant aujourd'hui au sein de l'adventiste sabbatique de nombreux unitariens.
1865 – Réunion par John Thomas de divers groupes associés à lui, les Croyants, les Croyants Baptisés, l’Association Royale des Croyants, les Croyants Baptisés du Royaume de Dieu, les Antipas, sous le seul nom de Christadelphes.

1870 – Création du groupe des Etudiants de la Bible d’Allegheny sous l’impulsion de Charles Taze Russell, qui deviendra plus tard l’Association internationale des étudiants de la Bible. Dès l’origine le groupe adopte les conceptions antitrinitaires de Henry Grew et d’Isaac Newton.

1873 – Le centre de l’Eglise unitarienne se déplace à Budapest (Hongrie) pour s’organiser.

1875 – Mary Baker Eddy écrit Science et santé avec la clef des Ecritures dans lequel elle compare la trinité chrétienne à un trithéisme et rejette le dogme.

1879 – Première parution du magazine chrétien antitrinitaire Zion’s Watch Tower (aujourd’hui The Watchtower) par Charles Russell. Le tirage n’a jamais été interrompu jusqu’à ce jour et atteint 26 millions d’exemplaires par an.
Fondation de l’Eglise du Christ, Scientiste à Boston par Mary Baker Eddy. Cette église est officiellement antitrinitaire.

1914 - Fondation de l'Iglesia ni Cristo (Eglise du Christ) aux Philippines par Felix Y. Manalo. Cette église rejette la Trinité et revendique environ 1 million de fidèles principalement dans son pays d'origine.

1916 – Décès de Charles Taze Russell premier président de l’Association internationale des étudiants de la Bible et de la Watchtower Society.
La même année, le Suisse Alexandre Freytag, responsable de filiale, quitte les étudiants de la Bible et fonde l’association connue aujourd’hui sous le nom des Amis de l’Homme, mouvement demeuré antitrinitaire.

1918 – Un groupe de dissidents se sépare de l’Association internationale des étudiants de la Bible représentée par Joseph Rutherford (second président).
A partir de cette date une multitude de petits groupes d'Étudiants de la Bible se formeront. Tous conserveront leurs vues non trinitaires.

1922 – Ayant quitté l’Association internationale des étudiants de la Bible, Paul Johnson, ancien pasteur luthérien d’origine juive et orateur itinérant pour l’association, créé le Mouvement missionnaire intérieur laïque, mouvement demeuré antitrinitaire.

1925 – L’historien unitarien Earl Morse Wilbur président de la Pacific Unitarian School for the Ministry (aujourd’hui Starr King School for the Ministry) publie Our Unitarian Heritage.

1931 – Les Etudiants de la Bible rattachés à la Watchtower Society prennent officiellement le nom de Témoins de Jéhovah pour établir une distinction entre eux et les autres Etudiants de la Bible restés attachés uniquement aux travaux de Charles Russell.
L'Eglise adventiste du 7ème jour renoue officiellement avec le dogme trinitaire alors que ses fondateurs l'avaient rejetés à la fondation de l'église en 1860. Il existe cependant aujourd'hui au sein de l'adventiste sabbatique de nombreux unitariens.
1931 - Herbert W. Armstrong anime la Radio Church of God (qui deviendra l'Église universelle de Dieu en 1968) diffusant des enseignements sabbatistes et anti-trinitaires pour le compte de l'Eglise de Dieu (Septième jour).
1932 – Earl Morse Wilbur traduit les deux premiers traités de Michel Servet en anglais.
1933 - La Radio Church of God commence à prendre ses distances pour des raisons d'ordre doctrinal avec l'Église de Dieu  (Septième Jour) mais celle-ci ne ne lui retirera son ministère dans l'église qu'en 1938.
1934 - Armstrong commence à éditer la revue 'La Pure Vérité'.
1938 - l'Église de Dieu (Septième Jour) retire le ministère à Armstrong.

1945 – Earl Morse Wilbur publie History of Unitarianism: Socinianism and its Antecedents.
1946 - La Radio Church of God devient indépendante et prend le statut officielle d'église.
1948 – L'Eglise Réformé de France souscrit une réserve au principe trinitaire lors de son adhésion au Conseil œcuménique des Eglises.
1952 – Earl Morse Wilbur publie History of Unitarianism: in Transylvania, England, and America.
1955 - Des mouvements internes se forment dans la Radio Church of God . Certains semblent vouloir revenir à la doctrine trinitaire.
1961 – Fusion de l’Association unitarienne américaine avec l’Eglise universaliste et formation de l’Association unitarienne-universaliste.
L’UUisme ne se déclare plus strictement chrétien ni antitrinitaire mais des associations chrétiennes unitariennes (donc antitrinitaires) existent toujours.
1968 - La Radio Church of God devient l'Église universelle de Dieu. Dès les années 70 des groupes dissidents font leurs apparitions suite à des modifications de doctrines dans l'église (Église de Dieu, Église restaurée de Dieu, Église de Dieu sabbatiste, etc.).
1986 - Mort de Herbert W. Armstrong. De nouveaux groupes dissidents apparaissent (l'Église globale de Dieu, l' Église vivante de Dieu, l' Église unie de Dieu, l' Église restaurée de Dieu, etc.)
1989 – Les Témoins de Jéhovah publient une brochure internationale intitulée Doit-on croire à la Trinité ? (Jésus Christ est-il le Dieu Tout-puissant ?)
1994 - l'Église universelle de Dieu, pourtant anti-trinitaire depuis son origine, devient officiellement trinitaire et rejoint l'association nationale évangélique.
Naissance des Eglises Chrétiennes de Dieu, église sabbatiste et anti-trinitaire dissidente de l'Église universelle de Dieu.
1999 – Le professeur de sciences politiques Richard E. Rubenstein publie When Jesus Became God dans lequel il retrace tout l’historique de la controverse arienne.


Schéma






Branche libérale - Origine commune - Branche bibliciste

Arius

Petr Chelčický
Unité des Frères moraves


Erasme


Michel Servet


Sébastien Castellion


Petite Eglise Polonaise
Lelio et Fausto Socini

Ferencz David
Eglise Unitarienne de Transylvanie

John Biddle

Isaac Newton




James Relly - universalisme

John Murray
Première Eglise universaliste
organisée (Etats-Unis)

Joseph Priestley
Première église unitarienne
à Londres puis à
Philadelphie (Etats-Unis)



Henry Grew

George Storrs

Charles Taze Russell
Etudiants de la Bible d’Allegheny

Mouvement Missionnaire Intérieur Laïque


(et autres Etudiants de la Bible « russellistes »)



Amis de l’Homme


Témoins de Jéhovah



Earl Morse Wilbur

Unitarisme-Universalisme


*Voir mon article "Isaïe 9:6 - Qui est quoi ? " ici : http://alephetomega.blogspot.com/2011/04/isaie-96-qui-est-quoi.html

jeudi 28 février 2008

Quelques croyances et usages de Castellion



Jésus n’est pas « descendu aux enfers ». Cette formule du Symbole des Apôtres est une répétition de « à été enseveli » (probablement comprend-il « enfer » dans son sens premier « la tombe », lieu où réside le corps sans vie). Il n’y a donc ni séjourné ni gouté aux supplices des damnés.

L’homme n’est pas prédestiné à être sauvé ou damné.

L’homme dispose du libre arbitre.

Il considère que la croyance en la Trinité n’est en rien nécessaire au salut. Le Symbole d’Athanase est un sophisme. Cette croyance n’est pas démontrée explicitement dans la Bible.

Il donna sa préférence au baptême des adultes.

Il utilisa le nom de Dieu dans ses écrits sous la forme Jove ou Jova.

Prêcha la liberté totale de conscience religieuse.

Prêcha la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Les affaires religieuses ne concernent pas les autorités civiles.

Il s’attacha à utiliser des termes compréhensibles pour tous y compris les moins instruits. Sa version de la Bible a préfigurée la traduction moderne de l’Ecriture Sainte.

Autres croyances

Il émie des doutes sur la canonicité du Cantique des Cantiques en raison de son caractère « sensuel » (mais ne le retira pas de ses traductions tant latines que françaises).

Il croyait en une certaine universalité de la révélation divine. Selon lui, Grecs et autres Babyloniens ont pu recevoir des messages de la part de Dieu car certains de leurs écrits semblent en témoigner. Il demeura cependant fidèle à l’Ecriture Sainte et, tout en prêchant la tolérance, ne céda pas à une croyance strictement universaliste..

mardi 26 février 2008

Joseph Smith victime de l’intolérance religieuse


« Les émeutiers tirèrent immédiatement sur lui et il tomba mortellement blessé par la fenêtre ouverte en s'exclamant: «O Seigneur, mon Dieu!» Les émeutiers qui étaient dans l'escalier se précipitèrent dehors pour s'assurer que Joseph Smith était mort. » (Extrait de Histoire de l'Eglise dans la plénitude des temps)


Joseph Smith né le 23 décembre 1805 et décédé le 27 juin 1844 fut le premier président de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours appelée plus communément l’église mormone. Il est considéré par cette dernière comme un prophète et un voyant inspiré à l’image de ceux de la Bible et du livre qu’il a transmis à son église, le livre de Mormon.
Selon son témoignage il aurait reçu en 1820 un message de Dieu et de Jésus-Christ et en 1823 la visite de l’ange Moroni, ancien prophète et l’un des rédacteurs des annales d’une partie des Juifs émigrés en Amérique vers 600 avant J-C.
En 1827 des plaques d’or renfermant les annales et dont il connaissait l’existence depuis des années lui furent remises par l’ange et il en entreprit la traduction en anglais. C’est cette traduction qui fut appelée le livre de Mormon.
Suite à cela Joseph fut reconnu comme prophète d’abord par ses proches puis par des centaines d’autres personnes.
C’est ici que commence l’organisation proprement dite de l’église mormone.

Début des persécutions
Dès 1829 Joseph et les siens sont contraints de quitter une première fois leur résidence d’Harmony puis une seconde fois alors qu’ils demeuraient à Fayette. Finalement les premiers mormons se retirèrent en Ohio.
Suite à une nouvelle vague d’opposition ils quittent cet état pour le Missouri en 1831mais la population locale pro esclavagiste, effrayée par la doctrine et craignant de voir ces gens du nord prendre le contrôle politique et commercial de leur région, les contraignirent à se déplacer plus au nord entre 1836 et 1838. Finalement en « paix » à Nauvoo les mormons se développèrent et Joseph Smith fut élu maire de la ville.
C’est dans cette ville que tout bascula.

Circonstances entourant sa mort
Depuis un certains temps le journal local, le Nauvoo expositor, menait la vie rude aux enseignements de l’église mormone, à J. Smith et à ses collaborateurs. La municipalité expulsa alors du conseil le rédacteur du journal et décida de la destruction de la presse d’imprimerie. C’est suite à cette décision maladroite et peu démocratique que l’état d’Illinois poursuivi les frères Smith pour incitation à l’émeute.
Pris dans la tourmente Joseph et son frère Hyrum quittèrent Nauvoo et traversèrent le Mississipi. Mais ils furent contraints de se rendre aux autorités de Carthage qui réclamaient leur arrestation. Ils furent relâchés sous caution puis furent de nouveau arrêtés pour motif de trahison contre l’état d’Illinois et incarcérés provisoirement à Carthage en attendant leur jugement.
John Taylor et Willard Richards, tout deux membres du collège des douze apôtres, choisirent de les suivre en prison. C’est Richards, seul rescapé de la tuerie qui témoigna des événements entourant la mort des frères Smith et de Taylor.

La tuerie
C'est trois jours plus tard, soit le 27 juin 1844, que des émeutiers, le visage grimé afin de dissimuler leur identité, pénétrèrent dans la prison mal gardée et tirèrent un coup de fusil mortel sur Hyrum Smith. John Taylor tenta de s’enfuir en sautant par la fenêtre mais fut à son tour touché par une balle. Puis ce fut au tour de Joseph qui tenta lui aussi de s’enfuir par la fenêtre d’être touché. Alors que leurs corps gisaient sur le sol ils reçurent encore quatre balles chacun.
Il n’y eu aucune poursuite. Selon l’ouvrage cité dans l’introduction de cet article « les émeutiers s'enfuirent à Warsaw, leur ville d'origine, puis, craignant les représailles des mormons, traversèrent le fleuve et passèrent au Missouri. Le gouverneur Ford apprit l'assassinat peu après son départ de Nauvoo pour retourner à Carthage. Quand il arriva, il exhorta les quelques citoyens qui restaient à évacuer la ville et fit déménager les registres du comté à Quincy pour les mettre en sécurité. »
Moralité
Que dira le lecteur non mormon de tout ceci sinon que Joseph Smith et ses collaborateurs se sont rendus coupable d’avoir outrepassés leur droit au nom de leur foi en détruisant une machine d’imprimerie. Ils le payèrent de leur vie. C’est un prix bien élevé pour du matériel cassé !
Tout ceci n’est pas si vieux, c’était il y a tout juste 164 ans, à l’aube d’une Amérique qui allait souffrir d'une guerre intestine pour le maintient de ses libertés et de son progrès en empêchant la sécession de ses états du sud, alors que s’accélérait la grande révolution industrielle.
Les mormons étaient à la mort de leur prophète une minorité de croyant. Leurs nombreux exils furent le résultat de persécutions de la part de leurs contemporains qui n’acceptaient pas qu’ils puissent croire en autre chose qu’eux et surtout qui avaient peur que certains d’entre eux soient « endoctrinés ».
Les mormons durent finalement vivre cachés dans les montagnes rocheuses autour du grand lac salé durant plusieurs dizaines d’années avant que leur existence soit finalement officialisée.
La manière dont ils furent traités ne nous rappelle-t-elle pas les moyens parfois musclés qu’ont employés certains au 20ème siècle contre les minorités religieuses ?
Quel avenir pour les minorités en France ? Les associations antisectes et les instances politiques en viendront-elle à prendre des mesures officielles de mise à l’écart de la société, comme c'est le cas dans d'autres régions du monde, prétextant la sécurité des citoyens ? Nos gouvernements finiront-ils sous la pression à placer les fidèles de ces minorités sous tutelle et leur retirer leurs enfants ? Comme ils sont nombreux les croyants des minorités et les défenseurs des alternatives médicales à perdre leurs emplois, à être couvert d’insultes, accusés d’être des agitateurs « troublant l’ordre public »…






dimanche 24 février 2008

Servet et Castellion sur internet

Liens sur Sébastien Castellion

Article Wikipedia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9bastien_Castellion
Site Théolib :
http://www.theolib.com/castellion.html
Site Profils de libertés :
http://prolib.net/pierre_bailleux/
Taper "Castellion" dans "chercher dans le site".

La Bible de Castellion (1555) Edition 2005 :
http://www.arretauxpages.com/catalogue/fiche.php?Rech=reference&param=2210012
La Bible sulfureuse de Castellion :
http://forum.subversiv.com/index.php?id=139708
Site du musé virtuel du protestantisme français :
http://www.museeprotestant.org/Pages/Notices.php?scatid=158&noticeid=821&lev=0&Lget=FR

L’incontournable livre de Ferdinand Buisson : Sébastien Castellion, sa vie, son œuvre
Tome 1 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k209976b
Tome 2 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k209977q


Liens sur Michel Servet

Site de la Servetus International Society :
http://www.servetus.org/
Site de l’institut d’études Michel Servet :
http://www.miguelservet.org/
Article Wikipedia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Servet
Site Théolib :
http://www.theolib.com/vassauxms.html
Site Profils de libertés :
http://prolib.net/pierre_bailleux/
Taper "Servet" dans "chercher dans le site".
Site unitarien de Didier Le Roux :
http://site.voila.fr/unitariens/articles/servet.html
Blogs unitariens :
http://labesacedesunitariens.over-blog.com/categorie-1131172.html
http://labesacedesunitariens.over-blog.com/categorie-1222645.html
voir aussi http://actua.unitariennes.over-blog.com/

Livre « Les conflits de la tolérance, Michel Servet entre mémoire et histoire » :
http://www.arretauxpages.com/catalogue/fiche.php?Rech=reference&param=2720024

Achille Chéreau : Michel Servet et la circulation pulmonaire
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k761213

Jean Calvin : Lettres françaises
Tome 1 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k209248w
Tome 2 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2092498

Tome 1, pages :
10-27 – Contre Castellion et d’autres « hérétiques »
38-39 – Sur Bolsec et Servet
206-215 – Sur Servet et d’autres

Tome 2, pages :
46-48 – Sur Servet
68-69 – Note de Jules Bonnet sur Castellion
139-141 – Sur Servet
191-193 – Sur Castellion
363-366 – Sur Castellion

Michel Servet vu par Voltaire

Etant donné que de nombreux auteurs et penseurs de qualité ont rapporté avec la plus juste des exactitudes les vies de Michel Servet et Sébastien Castellion, je fais le choix de transmettre leurs œuvres en priorité sur mes commentaires propres.
Aussi je vous propose de lire ce résumé de la vie de Michel Servet par Voltaire tiré de son Essai sur les mœurs et l’esprit des nations au chapitre 134.

De Calvin et de Servet
Michel Servet, de Villanueva en Aragon, très savant médecin, méritait de jouir d’une gloire paisible, pour avoir, longtemps avant Harvey, découvert la circulation du sang; mais il négligea un art utile pour des sciences dangereuses: il traita de la préfiguration du Christ dans le Verbe, de la vision de Dieu, de la substance des anges, de la manducation supérieure: il adoptait en partie les anciens dogmes soutenus par Sabellius, par Eusèbe, par Arius, qui dominèrent dans l’Orient, et qui furent embrassés au xvie siècle par Lelio Socini, reçus ensuite en Pologne, en Angleterre, en Hollande.
Pour se faire une idée des sentiments très peu connus de cet homme que sa mort barbare a seule rendu célèbre, il suffira peut-être de rapporter ce passage de son quatrième livre de la Trinité: « Comme le germe de la génération était en Dieu, avant que le Fils de Dieu fût fait réellement, ainsi le Créateur a voulu que cet ordre fût observé dans toutes les générations. La semence substantielle du Christ et toutes les causes séminales et formes archétypes étant véritablement en Dieu, etc. » En lisant ces paroles, on croit lire Origène, et, au mot de Christ près, on croit lire Platon, que les premiers théologiens chrétiens regardèrent comme leur maître.
Servet était de si bonne foi dans sa métaphysique obscure, que de Vienne en Dauphiné, où il séjourna quelque temps, il écrivit à Calvin sur la Trinité. Ils disputèrent par lettres. De la dispute Calvin passa aux injures, et des injures à cette haine théologique, la plus implacable de toutes les haines. Calvin eut par trahison les feuilles d’un ouvrage que Servet faisait imprimer secrètement. Il les envoya à Lyon avec les lettres qu’il avait reçues de lui: action qui suffirait pour le déshonorer à jamais dans la société, car ce qu’on appelle l’esprit de la société est plus honnête et plus sévère que tous les synodes. Calvin fit accuser Servet par un émissaire: quel rôle pour un apôtre! Servet, qui savait qu’en France on brûlait sans miséricorde tout novateur, s’enfuit tandis qu’on lui faisait son procès. Il passe malheureusement par Genève: Calvin le sait, le dénonce, le fait arrêter à l’enseigne de la Rose, lorsqu’il était prêt d’en partir. On le dépouilla de quatre-vingt-dix-sept pièces d’or, d’une chaîne d’or et de six bagues. Il était sans doute contre le droit des gens d’emprisonner un étranger qui n’avait commis aucun délit dans la ville: mais aussi Genève avait une loi qu’on devrait imiter. Cette loi ordonne que le délateur se mette en prison avec l’accusé. Calvin fit la dénonciation par un de ses disciples, qui lui servait de domestique.
Ce même Jean Calvin avait avant ce temps-là prêché la tolérance; on voit ces propres mots dans une de ses lettres imprimées: « En cas que quelqu’un soit hétérodoxe, et qu’il fasse scrupule de se servir des mots trinité et personne, etc., nous ne croyons pas que ce soit une raison pour rejeter cet homme; nous devons le supporter, sans le chasser de l’Église, et sans l’exposer à aucune censure comme un hérétique. »
Mais Jean Calvin changea d’avis dès qu’il se livra à la fureur de sa haine théologique: il demandait la tolérance dont il avait besoin pour lui en France, et il s’armait de l’intolérance à Genève. Calvin, après le supplice de Servet, publia un livre dans lequel il prétendit prouver qu’il fallait punir les hérétiques.
Quand son ennemi fut aux fers, il lui prodigua les injures et les mauvais traitements que font les lâches quand ils sont maîtres, Enfin, à force de presser les juges, d’employer le crédit de ceux qu’il dirigeait, de crier et de faire crier que Dieu demandait l’exécution de Michel Servet, il le fit brûler vif, et jouit de son supplice, lui qui, s’il eût mis le pied en France, eût été brûlé lui-même, lui qui avait élevé si fortement sa voix contre les persécutions.
Cette barbarie d’ailleurs, qui s’autorisait du nom de justice, pouvait être regardée comme une insulte aux droits des nations: un Espagnol qui passait par une ville étrangère était-il justiciable de cette ville pour avoir publié ses sentiments, sans avoir dogmatisé ni dans cette ville ni dans aucun lieu de sa dépendance?
Ce qui augmente encore l’indignation et la pitié, c’est que Servet, dans ses ouvrages publiés, reconnaît nettement la divinité éternelle de Jésus-Christ; il déclara dans le cours de son procès qu’il était fortement persuadé que Jésus-Christ était le fils de Dieu, engendré de toute éternité du Père, et conçu par le Saint-Esprit dans le sein de la vierge Marie. Calvin, pour le perdre, produisit quelques lettres secrètes de cet infortuné, écrites longtemps auparavant à ses amis en termes hasardés.
Cette catastrophe déplorable n’arriva qu’en 1553, dix-huit ans après que Genève eut rendu son arrêt contre la religion romaine; mais je la place ici pour mieux faire connaître le caractère de Calvin, qui devint l’apôtre de Genève et des réformés de France. Il semble aujourd’hui qu’on fasse amende honorable aux cendres de Servet: de savants pasteurs des Églises protestantes, et même les plus grands philosophes, ont embrassé ses sentiments et ceux de Socin. Ils ont encore été plus loin qu’eux: leur religion est l’adoration d’un Dieu par la médiation du Christ. Nous ne faisons ici que rapporter les faits et les opinions, sans entrer dans aucune controverse, sans disputer contre personne, respectant ce que nous devons respecter, et uniquement attachés à la fidélité de l’histoire.
Le dernier trait au portrait de Calvin peut se tirer d’une lettre de sa main, qui se conserve encore au château de la Bastie-Roland, près de Montélimart: elle est adressée au marquis de Poët, grand chambellan du roi de Navarre et datée du 30 septembre 1561.
« Honneur, gloire et richesses seront la récompense de vos peines; surtout ne faites faute de défaire le pays de ces zélés faquins qui excitent les peuples à se bander contre nous. Pareils monstres doivent être étouffés, comme j’ai fait de Michel Servet, Espagnol. »
Jean Calvin avait usurpé un tel empire dans la ville de Genève, où il fut d’abord reçu avec tant de difficulté, qu’un jour, ayant su que la femme du capitaine général (qui fut ensuite premier syndic) avait dansé après souper avec sa famille et quelques amis, il la força de paraître en personne devant le consistoire, pour y reconnaître sa faute; et que Pierre Ameaux, conseiller d’État, accusé d’avoir mal parlé de Calvin, d’avoir dit qu’il était un très méchant homme, qu’il n’était qu’un Picard, et qu’il prêchait une fausse doctrine, fut condamné, quoiqu’il demandât grâce, à faire amende honorable, en chemise, la tête nue, la torche au poing, par toute la ville.
Les vices des hommes tiennent souvent à des vertus. Cette dureté de Calvin était jointe au plus grand désintéressement: il ne laissa pour tout bien, en mourant, que la valeur de cent vingt écus d’or. Son travail infatigable abrégea ses jours, mais lui donna un nom célèbre et un grand crédit.
Il y a des lettres de Luther qui ne respirent pas un esprit plus pacifique et plus charitable que celles de Calvin. Les catholiques ne peuvent comprendre que les protestants reconnaissent de tels apôtres: les protestants répondent qu’ils n’invoquent point ceux qui ont servi à établir leur réforme, qu’ils ne sont ni luthériens, ni zuingliens, ni calvinistes; qu’ils croient suivre les dogmes de la primitive Église; qu’ils ne canonisent point les passions de Luther et de Calvin; et que la dureté de leur caractère ne doit pas plus décrier leurs opinions dans l’esprit des réformés, que les moeurs d’Alexandre VI et de Léon X, et les barbaries des persécutions, ne font tort à la religion romaine dans l’esprit des catholiques.
Cette réponse est sage, et la modération semble aujourd’hui prendre dans les deux partis opposés la place des anciennes fureurs. Si le même esprit sanguinaire avait toujours présidé à la religion, l’Europe serait un vaste cimetière. L’esprit de philosophie a enfin émoussé les glaives. Faut-il qu’on ait éprouvé plus de deux cents ans de frénésie pour arriver à des jours de repos!
Ces secousses, qui par les événements des guerres remirent tant de biens d’Église entre les mains des séculiers, n’enrichirent pas les théologiens promoteurs de ces guerres. Ils eurent le sort de ceux qui sonnent la charge et qui ne partagent point les dépouilles: Les pasteurs des Églises protestantes avaient si hautement élevé leurs voix contre les richesses du clergé, qu’ils s’imposèrent à eux-mêmes la bienséance de ne pas recueillir ce qu’ils condamnaient; et presque tous les souverains les astreignirent à cette bienséance. Ils voulurent dominer en France, et ils y eurent en effet un très grand crédit; mais ils y ont fini enfin par en être chassés, avec défense d’y reparaître, sous peine d’être pendus. Partout où leur religion s’est établie, leur pouvoir a été restreint à la longue dans des bornes étroites par les princes, ou par les magistrats des républiques.
Les pasteurs calvinistes et luthériens ont eu partout des appointements qui ne leur ont pas permis de luxe. Les revenus des monastères ont été mis presque partout entre les mains de l’État, et appliqués à des hôpitaux. Il n’est resté de riches évêques protestants en Allemagne que ceux de Lubeck et d’Osnabruck, dont les revenus n’ont pas été distraits. Vous verrez, en continuant de jeter les yeux sur les suites de cette révolution, l’accord bizarre, mais pacifique, par lequel le traité de Westphalie a rendu cet évêché d’Osnabruck alternativement catholique et luthérien. La réforme en Angleterre a été plus favorable au clergé anglican, qu’elle ne l’a été en Allemagne, en Suisse, et dans les Pays-Bas, aux luthériens et aux calvinistes. Tous les évêchés sont considérables dans la Grande-Bretagne; tous les bénéfices y donnent de quoi vivre honnêtement. Les curés de la campagne y sont plus à leur aise qu’en France: l’État et les séculiers n’y ont profité que de l’abolissement des monastères. Il y a des quartiers entiers à Londres qui ne formaient autrefois qu’un seul couvent, et qui sont peuplés aujourd’hui d’un très grand nombre de familles. En général, toute nation qui a converti les couvents à l’usage public y a beaucoup gagné, sans que personne y ait perdu: car en effet on n’ôte rien à une société qui n’existe plus. On ne fit tort qu’aux possesseurs passagers que l’on dépouillait, et ils n’ont point laissé de descendants qui puissent se plaindre; et si ce fut une injustice d’un jour, elle a produit un bien pour des siècles.
Il est arrivé enfin, par différentes révolutions, que l’Église latine a perdu plus de la moitié de l’Europe chrétienne, qu’elle avait eue presque tout entière en divers temps car, outre le pays immense qui s’étend de Constantinople jusqu’à Corfou et jusqu’à la mer de Naples, elle n’a plus ni la Suède, ni la Norvège, ni le Danemark; la moitié de l’Allemagne, l’Angleterre, l’Écosse, l’Irlande, la Hollande, les trois quarts de la Suisse, se sont séparés d’elle. Le pouvoir du siège de Rome a bien plus perdu encore: il ne s’est véritablement conservé que dans les pays immédiatement soumis au pape.
Cependant, avant qu’on pût poser tant de limites, et qu’on parvînt même à mettre quelque ordre dans la confusion, les deux partis catholique et luthérien mettaient alors l’Allemagne en feu. Déjà la religion qu’on nomme évangélique était établie vers l’an 1555 dans vingt-quatre villes impériales, et dans dix-huit petites provinces de l’empire. Les luthériens voulaient abaisser la puissance de Charles-Quint, et il prétendait les détruire. On faisait des ligues; on donnait des batailles. Mais il faut suivre ici ces révolutions de l’esprit humain en fait de religion, et voir comment s’établit l’Église anglicane, et comment fut déchirée l’Église de France.

dimanche 17 février 2008

Introduction à la vie de Servet et Castellion

Michel Servet et Sébastien Castellion figurent parmi les hommes dont les vies furent si riches et si polémiques que nombre de grands auteurs et personnalités ont jugés utile de coucher leurs gestes par écrit.
Ils furent des savants et des hommes en avance sur leur temps.
Ils se sont illustrés par leur courage face à la persécution et à la mort.
Paradoxalement, le monde semble ignorer leurs vies et jusqu’à leurs propres noms même dans les milieux tant religieux que scientifiques.
Je vous invite à les découvrir eux et leurs œuvres et à méditer sur leurs exemples.
Ils ont vécu il y a maintenant plus de quatre siècles avant nous et pourtant leurs témoignages nous interpellent nous qui vivons dans un monde si plein de contradictions, un monde apparemment éclairé mais qui semble en recherche permanente d’identité, en un siècle de liberté mais où règne encore tant d’intolérance.

Parmi les auteurs qui se sont penchés sur les deux hommes nous pouvons citer le philosophe Voltaire, l’historien Jules Michelet, le président Edouard Herriot, les députés Ferdinand Buisson et Jules Barni ainsi que de nombreux autres historiens, essayistes et théologiens.

Au centre des destins de Servet et de Castellion, un homme : le célèbre réformateur Jean Calvin. Nous verrons comment ce théologien, considéré comme le plus grand parmi les fondateurs du protestantisme et dont la doctrine concerne plusieurs centaines de millions de fidèles dans le monde, s’est révélé être l’appareil de l’intolérance religieuse.