mardi 28 août 2012

Sébastien Castellion présenté par Xavier Leblond

Voici un exposé présenté publiquement par M. Xavier Leblond.

Il a eu la gentillesse de m'autoriser à le publier sur mon blog.

Bonne lecture.


Le grand renouveau de la renaissance est la re-découverte des auteurs de l’Antiquité. Ainsi, si la théologie catholique s’était fondée sur la philosophie aristotélicienne, il me semble que la théologie de Calvin va se fonder sur celle de Platon. On peut retrouver dans l’Institution de la religion chrétienne, des références à la République, aux Lois et à la Politique qui semblent modifier sa vision [celle de Calvin] de l’Etat ; en effet ce livre prône un semblant de démocratie au moment où tous les pays sont des monarchies absolues, la liberté de conscience, le libre-examen. Parmi les livres qui ont modifié la conception de Dieu de Calvin, il y aurait probablement le Timée, mais il n’est jamais bon de se limiter à un seul auteur. Rappelons-nous que lors de son premier passage à Genève, il fut condamné pour antitrinitarisme. Mais, il ne commettra pas deux fois la même erreur, puisqu’il condamnera Servet pour hérésie.
Alors c’est à partir de ce moment que Castellion apparaît, semblant faire sienne la citation de Terence, « rien d’humain ne m’est étranger ». Et durant, toute sa vie, il semble avoir tenté de faire respecter cette maxime du même auteur « autant d’hommes, autant d’opinions », partout où elle était bafouée. Pour moi ici deux hommes se font face, Calvin le théologien et Castellion l’humaniste.

Sébastien Chatillon
Ou la liberté de croyance, de pensée, et du libre examen
Mais avant de commencer, une petite définition : hérésie du grec haeresis, faire un choix.
Né en 1515 dans le Bugey, près de Nantua. Nous ignorons presque tout de l’enfance de Sébastien Chatillon à l’exception de son père un paysan laborieux et peu cultivé mais honnête, qui lui apprit deux choses : avoir en horreur le vol et le mensonge.
A 20 ans il est étudiant à Lyon sans doute remarqué par un parent plus aisé ou un prélat. Ses maîtres sont Jean Raynier ou Bathélémy Aneau. Il devient précepteur. Il se passionne pour Homère, Virgile ou Horace mais aussi pour J-C qu’il a l’impression d’approcher de près dans les Évangiles. Par coquetterie littéraire, il latinise son nom, Chateillon devenant Castellio ou Castalio, en référence à la nymphe Castalie. Il publie des recueils de poème (les Sebastyanax) en grec et en latin. A 22 ans il fait donc partie d’un cercle littéraire dont le centre semble être tour à tour Ducher, Nicolas Bourbon, ou Jean Voulté.
Le passage à la Réforme :
Ces hommes sont tous, proches de la Réforme. La Renaissance est pour eux le refleurissement de la pensée humaine. Leur religion n’est plus qu’un christianisme philosophique et moral. Ce renouveau d’opinion religieuse n’est pas du goût de tout le monde et certains humanistes pour avoir afficher des opinions trop évangéliques sont arrêtés par l’Inquisition et brûlés. En janvier 1540, à Lyon, trois luthériens sont condamnés au bûcher. Castellion assiste peut-être à ces exécutions et l’on peut concevoir que ce fut déterminant pour lui. Il commence alors à douter du catholicisme qui brûle des gens pour leurs opinions religieuses. Autre point décisif, en 1536 paraît la première édition de l’Institution de la religion chrétienne de Jean Calvin. Retenons en deux idées qui disparaitront des prochaines éditions :
- liberté absolue de foi religieuse.
- clémence vis-à-vis des hérétiques.
Castellion enthousiasmé par cet ouvrage y voit le manifeste de liberté spirituelle que tout le monde attendait et tient absolument à rencontrer son auteur. Il arrive à Strasbourg en mai 1540 et loge dans la maison même de Calvin en tant que pensionnaire. Il fait même, durant un temps, partie du cercle de ses intimes. Au printemps 1541, une épidémie de peste se déclare à Strasbourg. Castellion, se dévoue pour soigner deux proches du réformateur, Malherbe et Louis de Richebourg. Tels sont les premiers contacts entre le réformateur et celui qui à Strasbourg fait figure de fils spirituel
Le retour à Genève :
En septembre 1541, le conseil de Genève prie Calvin et Farel qui sont à Strasbourg de revenir. Ils reprennent leur travail là où ils l’ont laissé. Castellion s’est joint à eux. A 26 ans à peine, les connaissances de ce dernier sont étendues, il maîtrise à la perfection, le grec, le latin, l’hébreu.
Castellion pédagogue :
Calvin veut fonder une université de théologie pour former les pasteurs. Calvin soumet au Conseil de Genève un cycle d’enseignement préparatoire « que l’on tâche à avoir homme à cela faire savant, et qu’on le salarie tellement qu’il puisse enseigner les pauvres sans rien leur demander de salaire et aussi que chacun soit tenu d’envoyer ses enfants à l’école et de les faire apprendre… » La Réforme partout où elle prenait pied se hâtait d’organiser un enseignement populaire. Calvin choisit Castellion comme régent du collège de Rive. Castellion, est un pédagogue doué. En 1542, il écrit pour ses élèves les « Dialogues Sacrés » dont on ne dénombre pas moins de 134 éditions. Les Dialogues Sacrés ne tardent pas à devenir le livre de chevet de la jeunesse cultivée et deviennent un best-seller pour les lycéens Allemands pendant le 17ème et le 18ème. Leur succès était dû au fait que Castellion avait créé une littérature latine à la hauteur des jeunes lycéens, basée sur des histoires bibliques au lieu d’auteurs païens souvent trop difficiles ou trop légers pour eux. Castellion dira lui même : « J’ai voulu descendre à la porté des enfants, et pour eux je ne rougirai de rien, pas même d’aller à cheval sur un bâton ».
En 1543, la peste noire frappe Genève. Castellion, se propose pour visiter les malades.

La rupture avec Calvin :
Castellion désirait accéder à un ministère et s’en faisait une haute idée. Mais il veut rester libre de penser librement. Castellion, bien qu’il soit passé à la Réforme est resté un humaniste. Il n’a pas fait de rupture avec l’humanisme comme l’a fait Calvin et n’est pas d’accord avec les idées de celui-ci. Son ministère lui est refusé car il ne veut pas faire allégeance aux idées de Calvin. Il restera laïc, mais personne ne pourra l’empêcher de se consacrer quand même à l’œuvre de l’Esprit. Il s’y consacrera, non en dépositaire sacré de la Vérité éternelle, mais en laïque, en humaniste, en libre chercheur, en libre croyant. Il part donc s’installer à Bâle. Jusqu’en 1553, il va y travailler comme correcteur d’imprimerie.

« LA VERITE EST NOTRE MÈRE »
La traduction de la bible :
Durant toutes ces années, il va réaliser une nouvelle traduction de la Bible, en latin en 1551, puis en Français en 1553. Son travail est reconnu comme « la première traduction vraiment française ». Elle est tout entière placée sous le signe de l’esprit critique. Il dit lui-même : « Il n’y a aucune raison de croire que Dieu ait veillé avec plus de soin sur les mots et les syllabes que sur les livres eux-mêmes, dont plusieurs sont entièrement perdus ». Autrement dit, le texte biblique peut contenir des erreurs qu’il faut corriger : il n’est pas inspiré dans sa lettre. Donc pas intouchable. Sur cette voie critique, Castellion n’allait pas s’arrêter. Ce n’est pas Spinoza qui le premier ose dire que Moïse n’a pas écrit la Tora, c’est Castellion. Il préface sa traduction latine à Édouard VI, dont le père avait fait mettre à mort tous ceux qu’il considérait comme hérétiques. Il avertit que le texte biblique a une histoire, qu’il n’est exempt ni de contradiction ni d’obscurités et que certaines précautions de lecture ne sont pas inutiles. Propos déconcertant sur un écrit tenu pour révélé et inspiré La Bible Castellion, se met à la hauteur de son public par le langage utilisé. Cet ouvrage n’est pas seulement celui d’un humaniste épris des lettres sacrées, c’est une œuvre d’hérésie protestante, très caractérisée. On y voit le parti pris d’un homme qui, ayant donné, librement son adhésion à une religion de libre examen, ne consent pas à abandonner ses droits spirituels et affirme, avec une opiniâtreté calme, sa volonté de maintenir le libre examen et d’en user sans contrôle.
De l’art de douter et de croire, d’ignorer et de savoir :
C’est plus qu’un discours sur la méthode : c’est l’exposé systématique de la pensée d’un libre penseur religieux, qui ne redoute aucune investigation scientifique et qui pose le doute méthodique à la base de ses spéculations. Il dit lui-même : « or il y a dans la religion des choses incertaines et obscures ; donc ne pas douter de ces choses est plein de péril. »
Avant d’entrer dans la discussion des grands problèmes religieux, il estime qu’il faut arrêter une rigoureuse méthode et, comme s’il était déjà formé à nos disciplines modernes, il s’ingénie à esquisser une originale et audacieuse théorie de la connaissance. Il fait de la Raison, la fille de Dieu. Donc si, dans le domaine religieux et moral, l’expérience ou l’intuition occupent une place prépondérante, c’est à la raison qu’il faut avoir recours dans les questions que soulèvent la critique du texte, l’historicité du livre ou l’exégèse biblique. Il est dans la lignée des philosophes qui ont voulu chercher à étudier le fait religieux, à la lumière d’une philosophie libérée et respectueuse.

L’APÔTRE DE LA TOLÉRANCE :
L’affaire Servet :
Michel Servet (1509-1553) est un érudit né en Catalogne. Disciple d’Érasme, il n’utilise que son libre examen pour rechercher la vérité. Il publie deux ouvrages majeurs qui lui vaudront les foudres de l’Inquisition et de tous les mouvements de la Réforme.
Dans le premier ouvrage, ne trouvant pas trace de la Trinité dans les écritures, il ne veut pas y croire. Il veut sans doute réconcilier tout le monde et créer une religion universelle. Dénoncé par son éditeur lyonnais, à l’Inquisition en 1553, il est arrêté mais arrive à s’échapper. Il se réfugie à Genève, mais y est arrêté. Il est jugé pour hérésie par le magistrat de Genève, alors que paradoxalement, Calvin prône une séparation du temporel et du spirituel. Il est brûlé avec ses œuvres au bûcher de Champel dans la banlieue de Genève.
Du traité des hérétiques :
Au 16ème siècle, on brûle, on torture, sans que cela ne gêne personne. Mais là, c’est un Calvin qui, officieusement, a condamné à mort un homme pour ses opinions religieuses, le même homme qui quinze ans plus tôt prêchait la clémence vis-à-vis des hérétiques. Il est d’ailleurs probable que Calvin n’en ait pas été très fier. Après coup, il a voulu se justifier en publiant Défense de la vraie foi. Castellion y répond par le Traité des hérétiques, sorte d’anti-manuel d’inquisiteur. Nous y retrouvons les sentences de réformateurs (Luther, Zwingli, Érasme et même Calvin) et de père de l’Église sur la manière dont doivent être traités les hérétiques. Castellion écrit sous les pseudonymes de Martin Bellie, Georges Kleinberg et Basile Montfort. Sa doctrine est la même que celle d’Érasme : elle consiste à tolérer des opinions religieuses différentes et à imiter J-C.
Martin Bellie écrit : « Toutefois, il n’y a aucune secte, laquelle ne condamne toutes les autres, et ne veuille régner toute seule ». Et un peu plus loin il écrit :
« Laquelle chose est manifeste en ce que nous voyons qu’il n’y a presque aucune secte de toutes les sectes qui ne considère les autres pour hérétiques : de sorte que si en cette cité ou région tu es estimé vrai fidèle, dans la prochaine tu seras estimé comme hérétique. Tellement que si quelqu’un veut vivre aujourd’hui, il lui est nécessaire d’avoir autant de fois et de religions, qu’il est de cités et de sectes ». Dans cette Europe où les mouvements religieux chrétiens ne cessent de naître, il relativise. D’après lui aucun courant n’est meilleur qu’un autre. Celui qui serait meilleur que les autres serait celui qui rendrait l’homme meilleur. Vaste programme !!!
Georges Kleinberg (alias Castellion) affirme que seul Dieu peut juger définitivement qui est hérétique ; le magistrat séculier doit punir les bandits, les traîtres, les parjures, etc,… Il a le devoir de protéger les justes contre les injustes. Il y a là séparation du temporel et du spirituel. Mais attention, à ne pas faire d’anachronisme, Castellion vit dans un siècle où tout le monde croit en Dieu ; lui ne tolère pas les athées que sont pour lui, Rabelais ou Etienne Dolet. Suite à cela Calvin furieux charge de Bèze de répondre à Castellion. Il publie en 1554 L’Anti-Bellius ou Traité de l’Autorité du Magistrat.
Contre le libelle de Calvin :
Ce texte est une forme de dialogue entre Calvin et Castellion qui prend le pseudonyme de Vaticanus. Contrairement au Traité des hérétiques, ce texte ne prend pas de gants. Il nous décrit Calvin comme un monstre assoiffé de sang, qui veut brûler tout le monde en dehors de ceux qui ne sont pas calvinistes, un tyran qui a mis Genève en coupe réglée, un tueur de gens pieux, un dangereux énervé qui trempe sa plume dans le sang de ses victimes, etc.
Il oppose à Calvin une éthique du droit de penser qui n’a pas vieilli et qui rejoint nos préoccupations les plus actuelles à propos de la liberté d’expression. Son leitmotiv est que l’hérésie n’est pas un crime et que le crime de penser n’existe pas. Ce qui revient à sanctuariser l’acte de pensée :
« Tuer un homme ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme » ou « Servet a combattu avec des arguments et des écrits, il fallait le combattre avec des arguments et des écrits ».
Conseil à la France désolée :
Face aux guerres de religion, en France, Castellion réagit et rédige Conseil à la France désolée en 1562. Pour lui, la France est rendue malade par le forcement des consciences que pratiquent aussi bien les catholiques papistes que les huguenots évangéliques. Il les renvoie dos à dos.
« Il reste maintenant le septième point, qui est d’arranger le différent entre les deux religions libres, lequel point,[…] c’est de permettre en France deux Églises ».
« Car il faudrait simplement dire à ceux qui forcent les consciences d’autrui :’’voudriez-vous qu’on força les vôtres ? »
Conseils de sagesse, de bonté, de justice, de tolérance que les Réformés ont si souvent rejetés. Castellion s’est désolidarisé de l’intolérance calviniste mais pas de l’idéal de la Réforme.
Mais ces conseils prodigués par Castellion n’étaient bons qu’à provoquer de nouvelles hérésies aussi bien pour Calvin que pour Rome, donc ils étaient néfastes. On préférera continuer à se massacrer pour « l’honneur de Dieu », plutôt que de reconnaître que les hommes sont tous frères.
Castellion meurt à Bâle en 1563, épuisé par les disputes et les querelles théologiques.
Un beau projet, la Réforme - liberté de croyance, de pensée, libre examen - qui a été tué par des Confessions de foi et des dogmes. La pensée s’est figée et la Réforme est morte. Seule Castellion a voulu croire dans son utopie et a essayé de la mener jusqu’au bout sans y parvenir.
Voici l’opinion d’un luthérien des temps modernes sur la Réforme :
« La nouvelle orthodoxie qui prévalue depuis 1530, en Allemagne et, plus tard, en Angleterre, n’est qu’un catholicisme émondé : mêmes dogmes fondamentaux ; même foi aveugle, même intolérance, même exclusivisme, même antipathie pour la liberté de conscience et d’examen ».
Et Voltaire qui écrivait en son temps :
Tu sais que souvent, le Malin
A caché sa queue et sa griffe
Sous la tiare d’un pontife et le manteau d’un Calvin…
Je n’ai point tort quand je déteste
Ces assassins religieux
Employant le fer et le feu
Pour servir le Père Céleste.
VOLTAIRE, les Torts
Bibliographie :
Sebastien Castellion et la réforme calviniste, les deux réformes, Giran E.
Sebastien Castellion, sa vie son œuvre, histoire du protestantisme libérale, T.1, Buisson, F.
Michel Servet du bûcher à la liberté de conscience, Schmid, V.
Traité des hérétiques, Castellion, S.
Conseil à la France désolée, Castellion, S.
De l’art de douter et de croire, d’ignorer et de savoir, Castellion, S.
Contre le libelle de Calvin, Castellion, S.

mercredi 13 juin 2012

Sujets de division chez les servetistes


On croyait en avoir terminé avec les secrets entourant la vie de Michel Servet.

La petite ville de Tudela en Navarre avait cédé la place à la très aragonnaise Villanueva de Sijena en tant que ville natale de Servet et la parole qu'il donna lors de son procès concernant ses origines, « chrétien de vieille race » (il entendait par là « espagnol de souche et catholique »), semblait l'absolue vérité.

Mais il y a du nouveau.

Il y a quelques mois Monsieur Francisco Javier González Echeverría a ouvert son propre site d'étude sur la vie du médecin et humaniste espagnol (voir liste des « liens à propos de Servet et Castellion » à droite), un site très documenté.

Monsieur González Echeverría y explique lui-même avoir été exclu en 2005 de l'institut d'étude Sijenenses, également appelé en français « Institut d'étude Michel Servet », situé à Villanueva de Sijena, pour avoir soutenu que Servet serait né non en Aragon mais en Navarre.

Le doute a toujours plané sur ses origines attendu qu'il affirma lors de son procès à Vienne (France) être né à Tudela et plus tard à Villanueva lors de son second procès à Genève.

Il faut dire que l'enjeu est de taille car si la thèse que soutient Monsieur González Echeverría faisant naître Servet à Tudela se révélait supérieure aux conclusions jusque-là retenues, c'est à la fois et la légitimité de la position géographique de l'institut et la crédibilité de l'ensemble des travaux de ce centre qui est mise à mal.

Et Monsieur González Echeverría n'est pas un loup solitaire, il a de sérieux soutient en Europe et aux États-Unis dans les milieux intellectuels.

Dans un passé récent de très brillants servetistes tel l'historien unitarien Earl Morse Wilbur, traducteur des oeuvres de Servet, préféraient retenir Tudela comme lieu de naissance.

Mais il y a plus... l'origine familiale et religieuse de l'homme.

Que Servet ait joué sur les mots concernant son lieu de naissance n'a rien d'étonnant.

Et qu'il ait passé sous silence un aspect important de ses origines religieuses et familiales
ou qu'il ait simplement arrangé la vérité le serait encore moins.

Notre homme a vécu caché par crainte de l'inquisition sous le non de Michel de Villeneuve, identité qui, tout en n'étant pas totalement fausse, n'était pas la sienne réelle.

On le surprend également en flagrant délit de nicodémisme, mot faisant référence au pharisien Nicodème qui, selon l'évangile de Jean (3:1-15), visitait Jésus de nuit et en cachette par peur des siens.

Ainsi Servet à partir de 1551 et durant ses douze années passés à Vienne fut l'ami et le
médecin personnel de l'archevêque Pierre Palmier.

Il sacrifiera à toutes les obligations d'un bon catholique, il sera nommé prieur de la confrérie Saint-Luc, il fréquentera les salons de l'église locale et ce en dépit du fait qu'il soit passé officieusement à la réforme depuis 1530.

Alors qu'aurait pu empêcher Servet d’exagérer en présentant les membres de sa famille comme étant des « chrétiens de vieille race » ?

Et c'est en fouillant dans toutes les archives qu'il a pu trouver que Francisco Javier González Echeverría a trouvé les preuves des origines juives de Servet.

Nulle surprise alors qu'il ait été si sensible à la question de la divinité du Christ et du regard que portaient à son époque Juifs et musulmans sur la Trinité chrétienne s'il se savait lui-même d'origine sémitique quand à la race et judaïque quand à la religion.

Actuellement le seul handicap du site « Michel Servet Recherche » est sa traduction en français d'assez piètre qualité mais bien utile à celui qui ne lit ni l'espagnol ni l'anglais.

Je n'en dit pas plus et vous laisse découvrir ce site si enrichissant et passionnant.


Lien complémentaire :



jeudi 10 mai 2012

Un nouveau site consacré à Michel Servet

Un court message pour vous signaler un nouveau site consacré à Michel Servet.


http://michelservetrecherche.com/FRANCES/


Son auteur, Francisco Javier González Echeverría, propose ses articles en espagnol, en français et apparemment bientôt en anglais.


Bonne découverte...

samedi 12 novembre 2011

Servet contre Calvin, les Protestants se mettent en scène à Strasbourg

En 2009 les protestants de Strasbourg ont dénoncés le meurtre de Servet autour d'une pièce avec Calvin et Castellion comme protagonistes.

Je vous donne en lien l'annonce de la représentation.


La Fédération Protestante de France organise pour la première fois de son histoire un grand rassemblement oecuménique qui doit réunir à Strasbourg les 30 octobre et 1er novembre 2009 quelques 10 000 fidèles protestants. Parmi les animations proposées, les spectateurs pourront assister à une représentation de la pièce de Michel Mathe "Le calice de Calvin, controverse à Genève" au Temple protestant du Bouclier de Strasbourg.

Michel Servet est un médecin et théologien d'origine espagnole, né en 1511 en Aragon, et brûlé vif pour hérésie le 27 octobre 1553 sur ordre du Grand Conseil de Genève. Il fût l'un des savants les plus importants de son époque, et fît notamment la découverte du rôle des poumons dans l'oxygénation du sang. Mais ce sont ces études théologiques qui vont lui valoir de nombreux déboires. Sa maîtrise exceptionnelle des langues classiques, latin, grec et hébreu, va lui permettre de lire les textes bibliques dans leurs manuscrits les plus anciens. C'est sous le pseudonyme de Michel De Villeneuve qu'il publia plusieurs ouvrages sur la religion, dans lesquels il mettait à mal le dogme de la Trinité cher aux chrétiens. Servet affirmait que la Trinité n'était pas fondée sur les textes bibliques mais qu'elle était une survivance des écrits philosophiques grecs. La disparition de ce dogme aurait, selon lui, permis de rapprocher les trois grandes religions monothéistes. Cette entorse au principe du Dieu unique éloignant, d'après Servet, les chrétiens, des juifs et des musulmans. Passionnés des Evangiles, il prône le retour aux textes originaux dans lesquels il ne lit aucune justification de ce dogme trinitaire, selon Servet : Jésus n'est pas Dieu, mais un homme auquel Dieu s'est associé temporairement. Mais il va plus loin et écrit que la Trinité est "un chien des enfers à trois têtes, signe de l'Antéchrist". Pour Jean Calvin, Servet va trop loin en ajoutant à l'hérésie, le blasphème. Une statue de marbre qui le représente enchaîné au bûcher, a été érigée en 1908 dans un square du 14ème arrondissement de Paris, elle est régulièrement fleurie par les "Chrétiens unitaristes" et les "Libres penseurs". La ville de Strasbourg, qui tient une place particulière dans l'histoire de la Réforme et du protestantisme, s'apprête a accueillir quelques 10 à 15 000 fidèles protestants, un évènement qui doit sceller le rapprochement entre les églises luthériennes réformées et les nouvelles églises évangéliques. Car près d'un demi-millénaire après les divergences qui furent fatales à Servet, les querelles théologiques entre les différentes chapelles du Protestantisme n'ont rien à envier à celles qui minent les fondements de l'Eglise catholique romaine.

jeudi 3 novembre 2011

Les photos du Procès de Michel Servet (opéra)

Ayant assisté à la première vendredi 28 octobre à Genève, j'ai pu commenter pour mon ami Jean-Claude Barbier les photos que Genevox a placé sur Facebook.

Vous les trouverez sur le site du Conseil des unitariens et universalistes français.


A voir aussi, un extrait de l'opéra, la fin de l'acte 2 sur Youtube.



mardi 4 octobre 2011

Articles de presse du 4 octobre

Voici deux articles de presse.

Le premier est paru dans la Tribune de Genève : http://regardcritique.blog.tdg.ch/archive/2011/09/29/michel-servet-une-fois-dans-l-humanite.html

04.10.2011

Michel Servet: Une foi dans l'humanité

Servet« Michel Servet eut la singulière infortune d’avoir été brûlé deux fois : en effigie par les catholiques, et par les protestants en chair et en os […] Son débat avec Calvin […] c’est en fait le conflit intérieur de la droite et de la gauche de la Réforme ». C’est par ces mots que s’ouvre la biographie de Servet, publiée il y a presque 60 ans, pour le 400e anniversaire de son supplice, par Roland Bainton, le grand spécialiste des origines du protestantisme de l’Université de Yale.

(Ci-dessous, Servet représenté par le peintre mexicain Diego Rivera)

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Né en 1511 à Villanueva, une petite bourgade d’Aragon, Servet est d’origine marrane par sa mère, issue d’une famille de juifs convertis. Sa conscience s’éveille au cours de la brève période de tolérance religieuse que connaît l’Espagne du premier tiers du 16e siècle. L’édition polyglotte complète de l’Ancien et du Nouveau Testament en hébreu et en grec vient d’être achevée. Le mouvement des Alumbrados – des Illuminés (sans rapport avec les affabulations du Da Vinci Code) appelle à une « réforme de l’Église par les hommes de l’Esprit », et la cour du roi Charles, récemment élu empereur, s’enthousiasme pour la pensée humaniste d’Erasme.

Dès ses quatorze ans, Servet est au service du franciscain Juan de Quintana, un savant humaniste proche de la Cour, avant d’étudier le droit à Toulouse. Il y découvre que rien dans les Écritures n’étaye le dogme de la Trinité, admis pour la première fois, ainsi que le pouvoir temporel de la papauté, par le Concile de Nicée, en 325. On sait que juifs et musulmans, dont il connaissait les croyances, percevaient ce dogme comme une concession au polythéisme. En se rangeant à leur avis sur ce point, Servet abolissait l’une des principales frontières entre religions du Livre. Une démarche politiquement explosive, une génération seulement après la victoire définitive des Rois Catholiques sur les Maures et après l’expulsion des juifs de la Péninsule ibérique, au moment du premier siège de Vienne par les Turcs.

En 1529, il accompagne l’empereur au Vatican. Il laissera de sa rencontre avec le pape Clément VII, un témoignage empreint d’une indignation toute luthérienne : « nous l’avons vu, porté dans la pompe, sur les épaules des princes, […] se faisant adorer le long des rues par le peuple à genoux, si bien que tous ceux qui avaient réussi à baiser ses pieds ou ses pantoufles s’estimaient plus fortunés que le reste, et proclamaient qu’ils avaient obtenu nombre d’indulgences, grâce auxquelles des années de souffrance infernales leur seraient remises. Ô la plus vile des bêtes ! ô la plus effrontée des catins ! »

En 1530, on le retrouve à Bâle, fraîchement acquise à la Réforme. Il y exprime clairement son rejet de la Trinité : pour lui, Jésus est bien un homme et il n’est Dieu que dans la mesure où l’homme est aussi capable d’être Dieu; il est un fils du Dieu éternel, et non le fils éternel de Dieu. Une distinction à laquelle il ne renoncera jamais, même au pied du bûcher. Quant au Saint-Esprit, il n’est que l’esprit de Dieu en nous.

Ecoutons-le défendre ses conceptions dans son traité Sur les erreurs de la Trinité : « Ceux qui font une séparation tranchée entre l’humanité et la divinité ne comprennent pas la nature de l’humanité, dont c’est justement le caractère que Dieu puisse lui impartir de la divinité […] Non point en vérité par une dégradation de la divinité, mais par une exaltation de l’humanité ». Et méditons en particulier cette phrase lumineuse : « Ne vous émerveillez pas que j’adore comme Dieu ce que vous appelez l’humanité ». Sur un ton messianique, il ajoute encore : « Quand les temps seront accomplis […], dans la mesure où il n’y aura plus de raisons pour qu’il y ait de gouvernement, tout pouvoir et toute autorité seront abolis […] ». Thomas Müntzer, de 22 ans son aîné, théologien hérétique et leader de la révolte des paysans allemands, ne défendait-il pas déjà que tous les royaumes terrestres se consumeraient dans le royaume de Dieu.

Lorsqu’il publie ses thèses, Servet voit se dresser une à une les autorités politiques et religieuses contre lui. Il va ainsi trouver refuge à Lyon, sous le nom de Michel de Villeneuve, où il commente la géographie de Ptolémée avec une sensibilité sociale aiguë qui le rapproche encore de Müntzer : « La condition des paysans allemands est affreuse, écrit-il. […] Les autorités de chaque territoire les dépouillent et les exploitent, c’est la raison de la récente révolte des paysans et de leur soulèvement contre les nobles ». Il étudie aussi la médecine à Paris, ce qui l’amène à découvrir, après le savant arabe du 13e siècle al-Nafis, la petite circulation du sang, entre le cœur et les poumons.

Établi à Vienne en Dauphiné, dès 1540, il y exerce la médecine et s’occupe d’édition. Il travaille surtout à sa somme théologique : La Restitution chrétienne. On en retiendra sa vision d’un Dieu caché, qui habite tout être, en particulier l’Homme, et toute chose. D’où sa défense du baptême à l’âge adulte, en tant qu’acte conscient et volontaire, qui le rapproche une fois de plus de Müntzer et des anabaptistes. On sait que ce défi à l’autorité des églises et des princes fera l’objet d’une répression sanglante aux 16e et 17e siècles.

Il entame une correspondance avec Calvin, lui envoyant imprudemment le manuscrit de son ouvrage. Le réformateur de Genève confie alors à Farel : « Il viendrait ici […], je ne le laisserais plus repartir vivant ». Le livre de Servet est publié clandestinement en janvier 1553, avant de tomber entre les mains d’un ami de Calvin, Guillaume de Tries, qui révèle le nom de son auteur à son cousin de Vienne pour qu’il le dénonce à l’Inquisition. Pourtant, le délateur est sommé d’obtenir des preuves de Genève, que seul Calvin peut fournir. On sait qu’il acceptera. Servet est arrêté le 4 avril, mais il parvient à s’évader trois jours plus tard. Il est donc condamné à être brûlé en effigie avec ses livres.

Le 13 août de la même année, de passage à Genève pour des raisons qu’il n’a pas été possible d’établir avec certitude, il est reconnu et arrêté, à la demande expresse de Calvin. Interrogé par le Petit Conseil, puis par le procureur général Rigot, proche des Vieux Genevois, il se défend bec et ongles. S’ensuit une dispute théologique par écrit avec Calvin, communiquée aux autres cités suisses pour avis, qui le déclarent coupable. Le 27 octobre, il est condamné à être brûlé vif pour ses opinions sur la Trinité et le baptême, avant d’être conduit au supplice par Farel, sans abjurer.

Cette mise à mort cruelle d’un « hérétique » a été pleinement soutenue par la Seigneurie genevoise, y compris par les adversaires de Calvin, et n’a pas plus suscité d’opposition au sein des autorités des villes suisses. En revanche, elle a été contestée par plus d’une voix parmi les amis de la Réforme. La plus connue est celle de Sébastien Castellion, qui s’indignera de l’usage de la violence pour faire triompher une idée : « Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. […] Servet ayant combattu par des écrits et des raisons, c’était par des raisons et des écrits qu’il fallait le repousser », écrira-t-il en 1554, dans son Contra libellum Calvini. Mais qui dit qu’il eût fallu repousser alors les thèses de cette conscience éclairée, porte-parole de milliers d’adeptes anonymes d’un christianisme émancipé, dont le message sonne toujours si juste à nos oreilles, près d’un demi-millénaire plus tard ?

(Ci-dessous, Servet dans sa prison de Genève, Picasso, 1904)

picasso.gifBref, il était temps que nous inaugurions à Genève cette statue de Michel Servet, œuvre de Clotilde Roch, sculptrice genevoise et disciple de Rodin. Conçue il y a plus de cent ans, avant même le Mur des Réformateurs, à la demande d’un comité international de libres penseurs, elle avait été refusée par les autorités municipales d’alors. En 1908, son comité de parrainage s’était donc résigné à l’offrir à Annemasse, qui l’accueillit les bras ouverts. Mais son histoire ne s’arrête pas là : ce bronze a été détruit en 1942, sur ordre du gouvernement de Vichy, et probablement recyclé par l’industrie d’armement allemande. Pour cela, sous l’Occupation nazie, la Résistance rendra hommage à cette effigie comme à l’une des premières « victimes du fascisme » en France. Après la guerre, elle sera reconstituée à l’identique et inaugurée pour la seconde fois, dans la même ville, en 1960.

A l’occasion du 500e anniversaire de la naissance de cet humaniste conséquent, deux ans à peine après le vote des Suisses pour l’interdiction de la construction des minarets, sachons faire aujourd’hui la place qu’il mérite, dans le cœur des Genevois, à cet initiateur du rapprochement entre chrétiens, juifs et musulmans ; à ce passeur aux frontières de plusieurs cultures ; à ce défenseur des faibles et des opprimés ; à cet intellectuel exigeant et courageux ; enfin, à ce contemporain des expéditions coloniales d’Hernán Cortés et de Francisco Pizzaro, qui a sans doute encore bien des choses à nous dire sur les grandeurs et misères de la mondialisation du premier 16e siècle, comme sur celles du siècle qui commence.

* Je reproduis ici le texte du discours que j'ai prononcé aujourd'hui pour l'inauguration de la statue de Servet, sur le lieu de son supplice, à l'occasion du 500e anniversaire de sa naissance.


Le second article se trouve sur le site suisse du CAP droits de l'homme : http://www.cap-suisse.ch/index.php?option=com_content&view=article&id=63:geneve-une-nouvelle-statue-a-la-memoire-dune-victime&catid=37:articles-societe&Itemid=61

Genève- une nouvelle statue à la mémoire d’une victime d'une "erreur de son siècle"

Je me suis rendu aujourd’hui là où, en 1553, s’élevait le bûcher où périt Michel Servet.
Un lieu étroit, pentu, inconfortable au possible, notamment en raison d’une circulation intense. Il est de plus situé juste en face des bâtiments de l’hôpital cantonal de Genève. Toutes choses qui le rendent peu propice à la méditation. D’autant que de tels endroits semblent encore imprégnés des énergies négatives d’une « justice » le plus souvent disproportionnée et cruelle.

Quoi qu’il en soit, sur ces lieux, un petit groupe de personnes assistait à la levée de voile d’une statue dédiée au scientifique aragonais supplicié. Œuvre d’une élève d’Auguste Rodin, un moulage en avait été miraculeusement conservé. Quant au bronze original, il est refusé par les autorités genevoises en 1908*. Par la suite, la ville d’Annemasse en fait l’acquisition jusqu'à ce que l’occupant allemand le fasse fondre à des fins militaires.

Les deux exécutions de Michel Servet

Michel Servet est un médecin aragonais, connu notamment pour sa thèse sur l’oxygénation du sang. Il est de plus l’auteur d’ouvrages de théologie dans lesquels, entre autres, il nie l’existence de la Sainte Trinité et conteste le baptême des enfants. A une époque où l’on ne badine pas avec ces choses, il est arrêté une première fois par l’Inquisition à Vienne dans l’Isère. Condamné au bûcher, il parvient cependant à s’échapper.

Brulé une première fois en effigie après son évasion, il l’est une seconde fois le 26 octobre 1553 à Genève. Pour de vrai cette fois, et à l’instigation de Jean Calvin selon certains. Etrange dénouement dans une ville pourtant considérée « hérétique » et où il s’est imprudemment aventuré.

Le moins que l’on puisse dire de cette histoire est que les avis sont partagés. D’aucuns rapportent que Michel Servet briguait la place de Jean Calvin qui, jouant alors à Genève un rôle de chef spirituel, n’était cependant pas encore au pouvoir. De plus, les annales rapportent que Calvin jugeait cette exécution « trop cruelle ». N’oublions pas non plus qu’à cette époque, Genève connaissait environ trois bûchers par an !**

Quelques réflexions sur une cérémonie empreinte de sérénité

Au fil des allocutions officielles, notamment celle d’un ancien maire genevois, il semble qu’une prise de responsabilité sincère soit en train de naître. Des expressions telles que « liberté de conscience », « droit aux croyances de son choix » ainsi que des allusions aux calamités engendrées par la « pensée unique » étaient à l’ordre du jour. Et c’est tant mieux ! Cependant, je me demande quel sort m’aurait été réservé si j’étais venu m’exprimer au sujet des campagnes « anti-sectes » aujourd’hui couramment pratiquées en France.

Entre autres, les cas de kidnapping et de séquestration d’enfants majeurs à l’instigation de leurs parents et recommandés par des associations de « lutte contre les sectes »***. Bien sûr, il convient de comparer ce qui est comparable. Cependant, comme toujours en pareil cas, il est plus facile de s’indigner des injustices du passé que de confronter celles qui ont lieu dans le temps présent. A notre décharge, disons qu’en prémâchant pour nous l’actualité à sa guise, le média ne nous encourage pas à nous en faire une idée par nous-mêmes.

F.P.

* Cependant une stèle y commémore encore cet événement décrit comme « une erreur de Calvin qui était celle de son siècle ».

**Selon Isabelle Graesslé, directrice du Musée de la Réforme à Genève.

*** http://www.sectes-infos.net/communiques_presse_197_kidnapping_Nice_dommage_collateral_exit_counseling.htm

L’humaniste Michel Servet réhabilité

Paru dans la Tribune de Genève du 3 octobre : http://www.tdg.ch/geneve/actu/humaniste-michel-servet-rehabilite-2011-10-03

L’humaniste Michel Servet réhabilité

Histoire | Une statue a été inaugurée en hommage à Michel Servet, brûlé vif en 1553 quand Calvin était au pouvoir.

Christian Bernet | 03.10.2011 | 17:15

Rémy Pagani a inauguré cet après-midi une statue en hommage à Michel Servet, condamné au bûcher par Calvin en 1553. Elle prend place à l’avenue de la Roseraie, sur les lieux mêmes où l’humaniste avait été brûlé vif. Cette cérémonie intervient à l’occasion du 500e anniversaire de la naissance de Michel Servet. Des représentants des autorités espagnoles étaient présents pour saluer l’hommage fait à leur compatriote.

Ce libre penseur se voit ainsi entièrement réhabilité à Genève. En 1903, les autorités de l’époque avaient refusé l’érection de la statue réalisée par Clotilde Roch, se contentant d’une plaque expiatoire. L’œuvre fut installée à Annemasse. Une nouvelle épreuve a été réalisée, copie conforme de celle qui se trouve déjà à Saragosse.

samedi 1 octobre 2011

Michel Servet à l'honneur dans la presse Suisse

A lire dans La Tribune de Genève : http://www.tdg.ch/geneve/actu/brule-fois-servet-aura-statue-geneve-pagani-2011-09-30

Brûlé deux fois, Servet aura sa statue à Genève grâce à Rémy Pagani

Histoire genevoise | Le premier bronze réalisé en 1908 par Clotilde Roch, une élève de Rodin, mais refusée par Genève, avait trouvé refuge à Annemasse.

© DR | Michel Servet, icône des libres-penseurs, aurait eu 500 ans le 29 septembre 2011 (à gauche la stèle de Genève avenue Beau-Séjour, à gauche la staue de Saragosse. La même sera inaugurée lundi à Genève)

JF Mabut | 01.10.2011 | 08:36

Michel Servet aurait eu 500 ans le 29 septembre. Le théologien et médecin espagnol, brûlé vif à Champel le 27 octobre 1553, aura enfin droit à sa statue à Genève grâce à Rémy Pagani. L'œuvre en bronze, qui sera inaugurée lundi après-midi derrière l'hôpital cantonal, a été fondue à Saragosse selon le modèle original en plâtre de Clotilde Roch, une élève de Rodin.

C'est en tant que maire de Genève en 2009 que le conseiller administratif d'A Gauche toute s'est pris de passion pour ce «dissident de la dissidence», devenue une des icônes des libres-penseurs. Servet contestait le dogme chrétien de la Trinité (un Dieu en trois personnes), une hérésie pour le pape autant que pour le réformateur genevois Jean Calvin. Il fut d'ailleurs brûlé deux fois.

A XVIe siècle, on ne badinait pas avec la religion. Les livres du théologien sont interdits. En 1531, il doit changer de nom et sillonne l'Europe sous le patronyme de Michel de Villeneuve, du nom de sa ville natale Villanueva de Sigena, à 125 kilomètres au nord-ouest de Saragosse. Il entretient néanmoins une correspondance avec Calvin. En 1553, il est à Vienne, au sud de Lyon. Son dernier bouquin nie la divinité du Christ. Trop c'est trop, un proche de Calvin le dénonce aux catholiques. Qui l'emprisonnent et condamnent l'hérétique au bûcher. Il parvient à s'échapper. L'inquisition brûlera son effigie en place publique.

En route vers l'Italie, Servet passe par Genève. Pas de chance, il est reconnu, arrêté, condamné une deuxième fois au bûcher. Calvin et la compagnie des pasteurs, qui bataillent ferme alors contre le Conseil de ville pour imposer leur pouvoir et faire de Genève une cité réformée exemplaire, ne sont pas moins convaincus que les catholiques qu'il faut éliminer les hérétiques.

Michel Servet y perd la vie mais y gagne le statut d'icône de la liberté de pensée. Très vite la polémique enfle. Le réformateur Sébastien Castillon critique les protestants genevois. Plus tard Voltaire défendra sa cause. La « victime du protestantisme » empoisonne l'Eglise genevoise. En 1903, l'Eglise nationale fait dresser une stèle expiatoire derrière l'hôpital sur les lieux du bûcher. Mais l'histoire ne s'arrête pas là.

Rémy Pagani s'est plongé dans la vie de Servet avec passion. A Saragosse, où un musée est consacré au théologien supplicié, on a inauguré en 2004 une statue de Servet pour le 450e anniversaire de sa mort et on prépare la commémoration du 500e de sa naissance. Une délégation débarque à Genève et s'étonne de n'y trouver aucune statue du médecin espagnol.

Un bronze a pourtant bien été coulé au tout début du vingtième siècle par Clotilde Roch. Qu'est-il devenu? Rémy Pagani tombe des nues et demande à ses services d'enquêter.

Tribulations des statues de Servet

Philippe Beuchat, conseiller en conservation de la ville de Genève raconte : « En 1902, la Ville a refusé l'œuvre de l'artiste qui avait exécuté le bronze à la demande d'un congrès international de libres-penseurs réuni à Genève. C'est la Ville d'Annemasse qui l'a récupéré.» Un pied de nez de la troisième république plutôt anticléricale à la Rome protestante ? C'est probable, remarque Sabine Maciol, archiviste de la Ville d'Annemasse.

Selon Philippe Beuchat, le plâtre original aurait été offert à Saragosse par la sculptrice ou l'un de ses parents. Les versions divergent sur ce point. Sabine Maciol se souvient que la commune de Saragosse a demandé à Annemasse en 2003 l'autorisation de copier la statue de l'Hôtel-de-Ville. Une demande restée sans suite en raison des coûts de l'opération.

Servet fondue pour la guerre

Arrive la seconde guerre mondiale. L'œuvre de Roch est déboulonnée en 1941, fondue, victime de la récupération des métaux. Vingt ans passent. La ville frontalière s'adresse à la famille de la sculptrice à Rolle. Coup de chance, elle a conservé un plâtre de Servet. Une nouvelle statue en bronze est réalisée. «Elle est légèrement plus petite, moins bien finie que le plâtre original conservé à Saragosse», analyse l'expert Philippe Beuchat, qui conclut : « La seconde statue de Servet installée à Annemasse est sans doute le résultat d'une première ébauche de l'artiste».

En 1988, le maire Robert Borrel, profitant de la réfection de la place de l'Hôtel-de-Ville, y fait dresser la statue. « Servet détourne son regard de Genève », remarque Sabine Maciol. L'archiviste connaît bien son sujet. Elle a organisé une exposition sur le libre penseur en 2008.

Ce lundi 3 octobre 2011, à 14 heures, Rémy Pagani inaugurera la statue de Michel Servet à l'angle des avenues de la Roseraie et Beau-Séjour, en présence de M. De Frutos, Ambassadeur d'Espagne en Suisse, Mme Isabelle Graesslé, Directrice du Musée de la Réforme et de M. Jean Batou, Professeur d'histoire à l'Université de Lausanne.

La copie genevoise a été coulée à partir du plâtre original de Saragosse, mis gracieusement à la disposition des Genevois, note Etienne Lézat, directeur des relations extérieures de la Ville de Genève qui s'est rendu sur place. Dernier clin d'œil de l'histoire, le bronze genevois sort de la même fonderie qui en 2004 a réalisé celui de Saragosse qui se dresse, devant l'hôpital Michel Servet,... avenue Isabel la Catholique.


A lire dans Le Temps : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/05fe4c7e-eba4-11e0-89e5-baf6d641008b/Gen%C3%83%C2%A8ve_r%C3%83%C2%A9habilite_Michel_Servet_en_victime_de_la_pens%C3%83%C2%A9e_unique

Histoire samedi1 octobre 2011

Genève réhabilite Michel Servet en victime de la pensée unique

Yelmarc Roulet

Une statue du penseur brûlé vif pour blasphème est inaugurée lundi. Un geste politique davantage qu’expiatoire

Brûlé vif en octobre 1553, Michel Servet revient à Genève en effigie, sous la forme d’une statue qui sera inaugurée lundi sur les lieux de son supplice. Cette manifestation, à l’initiative de la Ville, commémore les 500 ans du médecin et théologien espagnol, né selon la tradition le 29 septembre 1511 dans les Pyrénées aragonaises.

«L’affaire Servet reste une tache dans la vie de Calvin, note Isabelle Graesslé, directrice du Musée de la Réforme, qui prononcera une allocution lors de la cérémonie. Même si Genève connaissait à cette époque environ trois bûchers par an.» Pour la théologienne, l’inauguration de cette statue clôt un cycle: «En 1909, c’était encore saint Calvin. Aujour­d’hui, on ne peut plus dire que la mémoire genevoise refuse de commémorer une victime.»

1909? Cette année-là, Genève fêtait le 400e anniversaire de Calvin en érigeant le mur des Réformateurs dans le parc des Bastions. Mais elle n’avait pas voulu de la statue de Servet, que lui offrait le mouvement des libres-penseurs. Tout au plus avait-on placé, dans le quartier de Champel, à l’emplacement du bûcher, une pierre commémorative avec une plaque mettant la mort de l’humaniste sur le compte d’«une erreur de son siècle». Quant à la statue des libres-penseurs, signée Clotilde Roch (1867-1923), artiste genevoise et élève de Rodin, elle finira sur la place de la Mairie alors radicale-socialiste d’Annemasse, en guise de monument à la tolérance. Détruite sous le régime de Vichy, elle a été remplacée par une copie.

«Quand j’étais maire, raconte Rémy Pagani, j’ai été contacté par des historiens de Saragosse qui se plaignaient de l’état d’abandon de la pierre commémorative. Nous avons retrouvé en Aragon le moule en plâtre de l’œuvre, légué par Clotilde Roch. Notre statue a été coulée là-bas.» «Servet, c’était le dissident des dissidents», souligne l’élu d’A gauche toute! , qui se réjouit d’ériger «une statue de mémoire, contre la pensée unique dans notre époque du tout-au-marché».

Jean Batou, professeur à l’Université de Lausanne, représentera les historiens lors de cet hommage. Spécialiste de l’histoire contemporaine, il travaille sur la mondialisation, qui prend ses racines à l’époque des grandes découvertes. «Servet et Calvin, c’est la gauche et la droite de la Réforme, résume-t-il. Face à l’homme déchu de Calvin, que seule peut sauver la grâce divine, Servet remet l’homme au centre. C’est très moderne», précise celui qui est aussi candidat au Conseil national sur la liste de Solidarités.

Après avoir été récupéré par les libres-penseurs il y a cent ans, Servet deviendrait-il aujourd’hui un héros altermondialiste? Sa réhabilitation apparaît davantage en tout cas comme un geste politique de la gauche au pouvoir en ville que comme l’acte expiatoire de toute la Cité et toute l’Eglise de Calvin. L’Eglise protestante genevoise a du reste été tenue à l’écart de cette démarche. Sa direction a bien été invitée à la cérémonie de lundi mais elle ne pourra s’y rendre, pour cause de séminaire à l’extérieur. La paroisse de Champel-Malagnou a bien prévu un hommage de son côté, mais plus tard. Il n’y aura pas pourtant de polémiques. Les critiques contre Calvin sont aujourd’hui libérées et les cendres de Servet bien refroidies.

Médecin, Michel Servet avait mis en évidence la circulation sanguine cœur-poumon. Acquis à la Réforme, il se disputera des années durant avec Calvin en contestant le dogme de la Trinité et le baptême des enfants. «C’était un visionnaire, note Isabelle Graesslé, mais son message était inaudible dans une époque gouvernée par l’idée d’un monde trinitaire. En faire une victime du fanatisme est toutefois un anachronisme.» Fuyant le Dauphiné, où l’Inquisition l’a condamné à mort, il se jette dans la gueule du loup en venant à Genève. Sa condamnation au bûcher par l’autorité civile de Genève consolidera l’influence de Calvin, alors contestée.

Pour le pasteur Vincent ­Schmid, auteur d’une biographie de Servet, le premier apôtre de la tolérance, c’est Sébastien Castellion, celui qui prendra la défense de Servet dans son Traité des hérétiques et à qui on doit la célèbre phrase: «Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme.»

Avis à Rémy Pagani: Castellion n’a encore ni rue ni monument à Genève. Servet, lui, est vraiment à la mode. Le groupe de productions lyriques Genevavox présente ce mois un opéra en trois actes intitulé Le Procès de Michel Servet. «Nous ne proposons pas des personnages en noir et blanc, assure Shauna Beesley, la compositrice, une Anglo-Australienne de Genève. Nous explorons les zones grises: Servet a sans doute péché par arrogance et naïveté.»

www.genevavox.net


mercredi 28 septembre 2011

Inauguration d'une statue en mémoire de Michel Servet

A lire sur le site de la ville de Genève : http://www.ville-geneve.ch/medias/invitations-presse/detail-invitation-presse/article/inauguration-statue-memoire-michel-servet/

A l'occasion du 500e anniversaire de la naissance de Michel Servet, la Ville de Genève a fait réaliser une copie de la statue de Clotilde Roch, pour l'installer à côté du monument expiatoire.

Michel Servet, homme de science, médecin et humaniste, est né il y a 500 ans à Villanueva de Sigena, dans la province de l'Aragon, en Espagne. Il publia plusieurs ouvrages théologiques qui refusaient le dogme de la Trinité et le baptême des enfants.

Condamné à mort pour hérésie par les autorités de la Ville de Genève, après avoir été arrêté à la demande de Jean Calvin, il fut brûlé vif en octobre 1553.

En 1902, un congrès international de libre-penseurs réuni à Genève chargea la sculptrice Clotilde Roch de concevoir une statue à l'effigie de Michel Servet. Celle-ci fut refusée par les autorités municipales de l'époque. Seule une pierre expiatoire fut installée en 1903, à l'emplacement du bûcher. La statue prit place à Annemasse.

A l'occasion du 500e anniversaire de la naissance de Michel Servet, la Ville de Genève a fait réaliser une copie de la statue de Clotilde Roch, pour l'installer à côté du monument expiatoire.

Monsieur Rémy Pagani, Conseiller administratif de la Ville de Genève, a le plaisir de vous inviter à l'inauguration de la statue de Michel Servet lundi 3 octobre 2011, à 14h, à l'angle des avenues de la Roseraie et de Beau-Séjour, ainsi qu'à la réception qui suivra.

Cette cérémonie verra la participation de M. De Frutos, Ambassadeur d'Espagne en Suisse, Mme Isabelle Graesslé, Directrice du Musée de la Réforme et de M. Jean Batou, Professeur d'histoire à l'Université de Lausanne.

Contact

Dominique Wiedmer Graf
Déléguée à l'information et à la communication
Département des constructions et de l'aménagement
4, rue de l'Hôtel de Ville
1211 Genève 3
Tél. + 41 22 418 20 53 / + 41 79 817 18 90

jeudi 18 août 2011

Servetus, our 16th century contemporary

L'International Association for Religious Freedom, association dont dépendent la General Assembly of Unitarian and Free Christian Churches (Angleterre) et l'Unitarian-Universalist Association (États-Unis), vient de publier avec la participation de l'Institut d'étude Michel Servet (Espagne) une brochure de 68 pages intitulée : "Servetus, our 16th century contemporary".

Je vous donne ci-après le texte anglais de la plaquette de présentation, vous y trouverez la table des matières.

Pour vous procurer la brochure veuillez vous adresser (en anglais) à Mme Audrey Longhurst : alonghurst@unitarian.org.uk - ou (en français) à M. Richard Boeke : r.boeke@virgin.net


An IARF publication marking the 500th anniversary of the birth of the Spanish priest and savant celebrated as one of the world’s earliest and most heroic advocates of religious freedom

www.iarf.net Dr Richard Boeke r.boeke@virgin.net 44 (0) 1403 257 801



SERVETUS

Our 16th Century Contemporary

Enlightened theologian and peacemaker who sought to reconcile religions and who preached the omnipresence of God, Michael Servetus paid with his life for espousal of tolerance and religious freedom in an age of bigotry.


Calvin’s Geneva saw Servetus and his books burned at the stake. Nevertheless his message of understanding and mutual respect between differing beliefs survives today among all Christian Universalists and the controversies which cost him his life are all too relevant to the religious divisions of our modern world.


In this concise publication seven acknowledged experts combine to offer an authoritative introduction to key aspects of Servetus’ life and teachings. For those who wish to draw on his ideas and his dedication as an inspiration for today’s congregations the book includes a worship resources section freely available for reproduction and use.


Contents

Foreword - English and Spanish (author: Rev. Peter Morales) -- Table of Contents -- Biography of Servetus (author: Jaume de Marcos Andreu) -- Servetus and Islam: In his life (author: Peter Hughes) -- Servetus and Islam: In his writings (author: Jaume de Marcos Andreu) -- Servetus and Unitarianism: The Transylvanian church (author: Rev Sandor Kovacs) -- Servetus and Unitarianism: The Contemporary Legacy (author: Rev.Richard Boeke -- Worship Resources: General Assembly Worship Panel Service ( Rev. Cliff Reed) -- Worship resources: Bilingual Celebration Service (adapted from Servetus Museum original) -- An interview with Servetus (An Imagined talk show, adapted from Calvin and Servetus by Louis W. Jones) -- Selected Bibliography Appendix: Selections from Servetus’ ‘Restitutio’


July 2011 Paperback A5 Size 68 pages £4.00 (Discount price £3 plus 79p UK postage) from General Assembly of Unitarian and Free Christian Churches

1-6 Essex Street, London WC2R 3HY.

(cheques payable to GA of Unitarian & FCC)

Or Telephone: 44 (0) 20 7240 2384 with credit card details.


dimanche 29 mai 2011

Michel Servet est-il un prophète ?

Voici un court article que j'ai rédigé pour les Cahiers Michel Servet n°13 de juin 2010 "Les inspirés pas toujours compris".

Les Cahiers Michel Servet sont une revue indépendante et laïque éditée par le réseau francophone Correspondance unitarienne et enregistrée à la Bibliothèque Nationale de France sous l'ISSN 1965-2488.

Ils sont disponibles au prix associatif de 5,- euro. Pour toute information et commande contacter M. Jean-Claude Barbier à cette adresse mail : correspondance.unitarienne@wanadoo.fr

Michel Servet est-il un prophète ?

Ne fut-il pas plutôt un médecin, un humaniste et ... presque un réformateur ?


« Presque un réformateur »... Pour qu'il soit devenu un réformateur il aurait fallu qu'il puisse diriger une assemblée de fidèles, que ses écrits aient été reconnus par l'intelligencia protestante, par ceux notamment qui en occupèrent les sièges régionaux, je veux parler des Calvin à Genève, Œcolampade à Bâle ou Bullinger à Zurich, etc. En fait il conviendrait plutôt de dire qu'il ne fut surtout pas reconnu !


En tant que théologien, il ne se trouvera de place pour lui qu'au beau milieu des parias de la Réforme, les anabaptistes. Et encore ! Servet est tellement un penseur solitaire qu'il n'est jamais présenté par les historiens en tant qu'anabaptiste puisqu'il n'avait pas vraiment de rapports étroits avec cette mouvance. D'ailleurs il n'assistera pas au synode anabaptiste de Venise en 1550.


Un homme savant, né dans un petit coin de campagne insignifiant d’Aragon, soignant les malades, s'exprimant dans les langues des érudits et surtout celle des Juifs, capable de traduire les Saintes Écritures qu'il a la volonté d’expliquer alors que les « maîtres » de son temps le critique et le rejette catégoriquement, constamment sur les routes, terminant sa vie exécuté en public par ceux-là même qu’il estimait pouvoir le comprendre, les réformés de Genève, ayant même déclaré qu'il se préparait à la mort, des événements qui ressemblent à s'y méprendre à ceux qui se sont passés au Proche Orient quelques 1 500 ans plus tôt avec un certain Jésus…


Mais Servet n'a pas que le vêtement du prophète... Le prophète a pour vocation de changer les choses, de bousculer les idées reçues et les institutions figées. Il porte en lui le souffle divin qui lui autorise toutes les folies en terme de communication. Mais à sa manière, en cherchant à diffuser, il se révèle le prédicateur exigeant d'un retour au vrai christianisme, celui que l'on appelle de nos jours « primitif » ou encore « anté-nicéen ». Pour lui, si la Réforme l'entend et va au bout de son œuvre elle accouchera d'un christianisme vainqueur de la « Bête sauvage » de l'Apocalypse, la papauté , mot d'alors servant à qualifier l'Église catholique romaine, et abandonnera tout de ses pratiques jugée païennes. Rien qu'en rédigeant sa Christianismi Restitutio, il devient de fait l'annonciateur d'un monde nouveau où le christianisme apostat, selon l'idée qu'il s'en fait, n'a plus droit de cité. C'est un peu comme s'il s'était dit : « Calvin institue le christianisme et bien moi j'en annonce la restitution ! ».


Mais Servet céda à une tentation qui faillie lui être fatale déjà en 1538 à Vienne, celle de l'astrologie judiciaire. On suppose qu'il y aurait rencontré Nostradamus qui, selon des sources, se trouvait dans cette ville la même année. Ce serait une raison supplémentaire pour laquelle Servet s'est penché sur les moyens de connaître l'avenir. Pour lui aucun doute, si Dieu a créé la « machine » céleste ce n'est pas pour rien ! Il voit dans la création des corps célestes un appel divin à les observer et à en chercher les signes qui se révèlent au travers des mouvements planétaires. Il faut dire qu'à l'époque astrologie était synonyme d'astronomie. Si l'observation des mouvements faisait l'objet d'une interprétation ayant valeur de présage on parlait alors d'astrologie « judiciaire », pratique formellement condamnée par l'Église. Le lecteur et traducteur de la Bible qu'il était connaissait sans doute aucun ce mot de la Loi : « Vous ne devez pas chercher les présages, et vous ne devez pas pratiquer la magie » (Lévitique 19:26). Mais, le contexte du verset traitant de la magie - et lui-même ne la pratiquant pas - il pensait probablement que la recherche de présages condamné par l'Écriture était celle entourée de rituels magiques et non la sienne, qui, elle, s’accompagnait de raisonnements logiques et travaillant à la connaissance des actions divines.


Encore cette volonté d'annoncer !


Servet est trop spiritualiste pour cette époque où il est plus que jamais question de pouvoir temporel en religion et trop rationaliste pour une chrétienté encore tant fondamentaliste. Et puis, le temps n'est plus aux prophètes mais aux docteurs. Le monde des réformés, entend plutôt s’appuyer sur les Princes et les Communes qui les soutiennent et ils élèveront leurs enfants dans les lettres des grands hommes qu'ils s'étaient choisis pour guides.


Incompris il le fut jusqu'à la fin. La quasi totalité de ses travaux écrits brûlèrent avec lui à Champel. Ses rêves de réforme radicale, d'avènement d'un monde nouveau, de millénium ayant pour seul roi sur la terre le Christ, où la vache et l'ours pâtureraient ensemble, tout cela fut anéanti dans les flammes.


Par la suite sa mémoire ne survécut que timidement. Ce sont souvent d'autres incompris qui firent resurgir régulièrement son martyr et ses doctrines. Il faudra attendre quelques 350 ans avant que ceux qui se considèrent comme les héritiers de ses accusateurs genevois ne produisent un monument expiatoire et presque autant avant que des milieux extérieurs à l'unitarisme anglo-saxon et transylvain ne s'intéressent à ses travaux.


Mais si Servet fut incompris de son temps combien il ne l'est plus de nos jours ! Tant de voix se sont levées au cours du XXème siècle pour dénoncer ses bourreaux et faire apparaitre son génie au grand jour. Pour les chrétiens non trinitaires d'aujourd'hui, de toute tendance confondue, il a repris sa place de prophète annonciateur d'un autre christianisme et, pour beaucoup d'entre ces chrétiens, de vérités élémentaires. Et ce ne sont pas uniquement les croyants qui lui rendent hommage mais aussi les libres-penseurs de tout bord, tous ceux qui aspirent à la liberté d'expression et de conviction. Il est en bonne place au panthéon des martyrs qui ont scellés de leur sang le droit à cette liberté et qui n'ont pas plié le genoux devant l'alliance fanatique du tribunal ecclésiastique et du bras séculier.