dimanche 30 mai 2010

Le pasteur Chenevière, contre la Trinité et pour l'usage de la Raison

Quant à moi, je n'en trouvai pas trace dans les Écritures saintes. (...)
Exiger que cette acuité de l'esprit de tous ceux qui doivent être sauvés, ce serait — du moins à mon sens — fermer la voie du salut à la plus grande partie des hommes.

Sébastien Castellion, De arte dubitandi, Livre II, De la Trinité


De tous les bastions du protestantisme Genève en est surement le cœur

Si elle fut la patrie de la forme la plus stricte de la religion réformée en Europe - Calvin, Farel, Bèze et Knox en firent une théocratie puritaine au 16ème siècle - elle fut aussi le théâtre de la naissance d'un protestantisme dynamique et progressiste. Un certain homme, le pasteur Chenevière, en fut l'un des principaux protagonistes.


Jean-Jacques-Caton Chenevière est né le 20 décembre 1783 à Genève. Fils du pasteur Nicolas Chenevière il étudiera les lettres et la philosophie. En 1801 il devient franc-maçon et en 1802 il entame une carrière de théologien. Ayant obtenu son diplôme de pasteur en 1807 il officiera en Suisse d'abord (Dardagny) puis en France (Marseille, Paris)

En 1812 il se marie à Genève et officie dans la ville puis en 1813 il est nommé missionnaire diplomatique auprès du Grand-maitre de l'Université impériale.

Finalement en 1814 il est nommé pasteur à St-Pierre (Genève).

Le théologien libéral qu'il est s'impliquera à partir de cette époque très fortement dans la politique, ce qui lui vaudra au départ quelques foudres.

En 1815 il est aumônier du contingent genevois et en 1817 il est nommé professeur de dogmatique et de morale à l'Académie (trois fois nommé recteur entre 1825 et 1858).

Chenevière est un théologien-écrivain dont les œuvres conservées à Genève s'élèvent à 44.

Entre autre chose il est le fondateur du journal Le Protestant de Genève (devenu par la suite Le Protestant, aujourd'hui refondu avec le magazine Évangile et Liberté)


Ce qui est intéressant dans la position de Chenevière c'est qu'il est à la fois un libéral – il sera LE grand opposant du « Réveil »*, le méthodisme** s'implantant de plus en plus fortement au sein de l'Église Réformée de Genève – avec tout ce que cela suppose dans le contexte d'alors, mais il est également un homme très attaché à l'autorité et à l'inspiration divine de la Bible.

C'est à cause de son positionnement qu'il sera en conflit à la fois avec les partisans du Réveil et avec les plus farouches libéraux très attachés à la critique***, trop selon son avis.

Bien sûr il ne sera pas sur le banc de touche quand il s'agira de s'en prendre à l'influence restaurée du catholicisme à Genève, spécialement dans les affaires politiques et sociales.


Ce que souhaite Chenevière au fond est très simple : que le protestantisme, tout en conservant l'autorité de l'Écriture Sainte, se débarrasse des « causes qui retardent chez les réformés les progrès de la théologie » pour reprendre le titre d'un de ses discours prononcé en 1819.

Parmi ces « causes » on peut citer par exemple le rejet de l'usage de la raison, l'emploi immodéré de l'autorité des pères de l'Église, des traditions, des confessions de foi et des anciens réformateurs, la passion pour les systèmes théologiques complexes qui creusent un véritable fossé entre les docteurs et le message évangélique.

En somme pour Chenevière, bien qu'il sache conserver un esprit objectif envers la personne du grand réformateur de Genève, le monde protestant doit en finir avec le calvinisme.


Il est évident que si des hommes comme Sébastien Castellion et Michel Servet ne pouvaient être inconnus du pasteur Chenevière, leurs œuvres respectives ne pouvaient encore moins ne pas compter pour lui.


Les travaux qui nous intéressent ici sont surtout sa série de 6 essais théologiques dont le premier volume est consacré à la question trinitaire.

Voici la liste détaillée des volumes :

Du système théologique de la Trinité,

De la dépravation héréditaire de l'homme,

De l'usage de la raison en matière de foi,

Des confessions de foi,

Des bienfaits de Notre Seigneur Jésus-Christ,

De la prédestination et de quelques autres dogmes calvinistes.


Dans son essai sur la Trinité, Chenevière s'emploie à démontrer que le dogme formulé à l'issu des conciles n'est pas en conformité avec la Bible, ne reflète pas la pensée des pères apostoliques, s'oppose à la raison, laquelle est un don de Dieu et qu'il n'y a nul besoin de croire en la Trinité pour obtenir le salut mais que celui-ci s'obtient en pratiquant l'amour envers envers son prochain ainsi qu'en faisant la volonté du Père (Notons que Castellion avait déjà souligné tout cela). Il réagi également aux conclusions de divers théologiens trinitaires de son temps qu'il cite abondamment.


Pour plus de détails sur J.J.C Chenevière je vous renvoi à l'article de Marc Chenevière (son arrière-arrière-petit-fils) : « Jean-Jacques-Caton Chenevière en 1831, au miroir de sa correspondance » publié dans l'ouvrage collectif « Genève protestante en 1831 » (Actes du colloque tenu en commémoration des 150 ans de la création de la Société Évangélique de Genève et de la parution du journal Le Protestant de Genève), publié au éditions Labor et Fides (1983). Il est toujours disponible.


Consulter l'article « Jean-Jacques-Caton Chenevière en 1831, au miroir de sa correspondance » en aperçu limité (page 91) :


http://books.google.fr/books?id=6-xi0O2QeVsC&pg=PA91&lpg=PA91&dq=Gen%C3%A8ve+protestante+en+1831+chenevi%C3%A8re&source=bl&ots=0USeRItpTK&sig=WCqtyXH-bHRx00DUk_WBJyMy87c&hl=fr&ei=gA_9S5-2MpKO4gbG-qyhCw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CBUQ6AEwAA#v=onepage&q=Gen%C3%A8ve%20protestante%20en%201831%20chenevi%C3%A8re&f=false


Sont également disponibles certains de ses ouvrages sous forme électronique sur Google Livres ou en réimpression sur ces sites :


Format électronique


http://books.google.fr/books?as_q=Jean-Jacques-Caton+Chenevi%C3%A8re&num=10&btnG=Recherche+Google&as_epq=&as_oq=&as_eq=&as_brr=1&as_pt=ALLTYPES&lr=&as_vt=&as_auth=&as_pub=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_isbn=&as_issn=


Réimpressions


http://www.abebooks.fr/servlet/SearchResults?an=Chenevi%C8re%2C+Jean-Jac&sts=t&x=80&y=13


http://www.abebooks.fr/servlet/SearchResults?an=chenevi%E8re+jean-jacques&sts=t&x=95&y=10


Article consacré à l'union du Protestant (de Genève) et d'Évangile et Liberté :


http://www.evangile-et-liberte.net/article_280_evangile-et-liberte-et-Le-Protestant


* Le « Réveil » est un mouvement de réaction né au sein du protestantisme, en terre britannique d'abord puis étendu au reste du monde protestant. Il est un effort de retour aux dogmes d'avec qui les églises d'alors tendaient à prendre des distances. Le Réveil trouve son pendant moderne dans les églises évangéliques dites « fondamentalistes ». Il est en opposition avec le « Libéralisme évangélique » qui prône une lecture des Textes Sacrés dégagée de tout dogmes, tend à rejeter l'autorité des docteurs de l'Eglise et des conciles et encourage une pratique du culte s'accompagnant de l'usage du cœur et de la raison.

**Le méthodisme est une église fondée au 18ème siècle par le prédicateur anglais John Wesley (1703-1791). Elle a fleurie en Angleterre et aux E-U mais a aussi fortement influencée les églises protestantes dans le reste du monde.

***La critique en théologie est une lecture scientifique du texte de la Bible qui tend à en révéler les faiblesses sur le plan historique et littéraire. Elle est considérée par certains comme un progrès mais par d'autres comme un obstacle à la foi.


Aucun commentaire: