lundi 29 juin 2009

La Bible de Castellion contre l'ignorance et pour la paix


La Bible de Castellion est surprenante pour plus d'une raison.
Bien que ce père de liberté de conscience fut un protestant, il a voulu offrir aux lecteurs de la Sainte Écriture plus qu'une œuvre pour servir à la foi.
Elle n'est pas plus destinée au lecteur protestant qu'au lecteur catholique.

Elle est avant tout une présentation du livre par excellence, véritable patrimoine de l'humanité, sous toutes les formes dans lesquelles il fut transmis au fil des siècles.
Ainsi elle englobe le canon juif officiel retenu par la Réforme mais aussi certains livres qu'ont transmis les versions grecques et latines anciennes, connus sous les noms d'apocryphes (ou deutérocanoniques pour les seuls livres présents dans les versions catholiques produites après le concile de Trente).
Il en conserve mêmes certains que ne retiendra pas le concile catholique de Trente (1545-1563) probablement parce qu'en 1555 lorsqu'il publie sa Bible en français certains livres n'avaient pas encore été écartés de la Vulgate et parce que, tant sur le plan de l'édification spirituelle que sur le plan historique, ils font partie du patrimoine religieux juif qui aboutira à ce que l'on nome vulgairement la Bible.

Il ne remet pas en question le travail de ceux qui l'ont précédés dans la traduction de la Bible mais il la présente sous une forme nouvelle, littéraire et historique.
« Imparfaite » dans sa continuité chronologique, Castellion comble deux vides existant, l'un entre le retour d'exil babylonien et la révolte maccabéenne, l'autre allant de la mort de Simon Maccabée à la naissance du Christ par des extraits des Antiquités judaïques et de La guerre des Juifs de Flavius Josèphe, en n'omettant pas de signaler que ces parties ne sont en rien à ajouter au reste des livres divinement inspirés.
Elle est sous ce rapport unique en son genre.

Cette Bible pour tous il la préface à l'attention du roi de France Henri II, roi catholique.
En 1547 c'était au très jeune roi Édouard VI d'Angleterre, pays protestant depuis que son père a rompu avec Rome, qu'il avait dédié sa Bible latine.
Il y a toujours eu une volonté extraordinaire et acharnée chez Castellion d'apaiser les tensions existantes entre chrétiens de tous bords comme en témoignent son Conseil à la France désolée ou encore son Traité des hérétiques.
Une Bible à usage privé, pédagogique, commune aux catholiques et aux protestants, telle semble être le résultat des travaux de traductions en latin et en français de Sébastien Castellion qui fut avant tout un enseignant et en fait jamais un ministre du culte, bien qu'il faillit l'être juste avant son bannissement de Genève.

Il faut encore souligner que son principal souci lorsqu'il traduit en français est de permettre aux gens sans instruction de lire et comprendre la Bible avec un minimum de notes explicatives.
L'aventure n'est pas sans risque.
Bien souvent Castellion croit, en puisant dans le français du Dauphiné, offrir des mots que tout le monde en France entendra mais cela ne sera pas toujours le cas.
Mais après tout Luther n'en avait-il pas fait autant dans son Allemagne décentralisée aux multiples dialectes ? (Luther est considéré comme le père de la langue allemande moderne)

Que Castellion maitrise parfaitement les subtilités de la grammaire hébraïque ressort clairement de la traduction de certains textes dont le très controversé Exode 3:14 où il rend « Ehyeh asher ehyeh » par « Je serai qui serai », un choix surprenant attendu que l'ensemble des traducteurs de son temps préfèrent les leçons de la Septante et de la Vulgate qui rendent la phrase au présent.

Cette Bible, il n'y a qu'un seul obstacle qui risquerait d'en interdire la lecture : son prix ! (170,- €)
C'est un paradoxe quand on sait que Castellion destinait sa traduction aux « idiots », gens du peuple sans grande instruction et par conséquent sans grande fortune...

A lire également, l'excellent article de M-C Gomez-Géraud, professeur à la Sorbonne :
« Traduire et translater – La Bible de Sébastien castellion »
http://www.paris-sorbonne.fr/fr/IMG/pdf/6._Article14_Gomez-Geraud__version_definitive_.pdf

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