La plupart des versions de la Bible rendent l'hébreu « Ehyeh asher ehyeh » dans ce verset par « Je suis ce que je suis » ou « Je suis qui je suis ».
Mais certaines éditions, anciennes comme récentes, donnent soit dans le texte soit en note une traduction différente.
En voici quelques exemples, il s'agit naturellement d'une liste non exhaustive :
« Je serais : je suis » (Nouvelle traduction Bayard),
« Je suis qui je serai » (TOB),
« Je suis qui je serai » (Français courant, note),
« Je serai qui je serai » (Osty, note),
« Je serai ce que je serai » (Traduction du monde nouveau, français 1995),
« Je serai qui serai » (La Bible nouvellement translatée par Sébastien Castellion, 1555)
« Èhiè ashèr èhiè! – Je serai qui je serai » (Chouraqui),
« I will be what I will be » (The Bible - A new translation by James Moffatt),
« I will be what I will be » (The Bible in living English by Steven T. Byington),
« I am who I am and what I am, and I will be what I will be » (The Amplified Bible)
« I will be that I will be » (Isaac Leeser)
« I will be what I will be » (Living Bible Edition, note)
« I will be what I will be » (New International Version, note)
« I will be what I will be » (New Living Translation, note)
« I will be what I will be » (English Standard Version, note)
« I will be what I will be » (Contemporary English Version, note)
« I will be what I will be » (Holman Christian Standard Bible, note)
« I will be what I will be » (Today's New International Version, note)
« Ik zal zijn die Ik zijn zal » (Bijbel - De Statenvertaling)
« Yo seré el que seré » (Nueva Versión Internacional, note)
Certains traducteurs tel Samuel Cohen choisissent de ne pas traduire du tout les mots plaçant l'hébreu « Ehyeh asher ehyeh » au milieu du texte français ce qui donne « Heie qui (est) Heie », une phrase incompréhensible pour le commun des mortels.
D’autre choisissent, non de traduire le texte littéralement, mais d’en interpréter le sens telles Zadoc Kahn « Je suis l’Etre invariable ! », The Emphasized Bible de Joseph B. Rotherham « I Will Become whatsoever I please » (en français « Je deviendrai ce qui me plaît ») ou encore la Traduction du monde nouveau en anglais (1984) « I shall prove to be what I shall prove to be » (en français selon la version de 1974 « Je me révélerai être ce que Je me révélerai être »).
Mais la plupart des versions conservent la forme « Je suis » dans le texte.
On trouve parfois aussi « Je suis celui qui suis » ou encore « Je suis : Je suis ».
La leçon « Je suis qui je suis » a été popularisée en latin par Saint Jérôme (ego sum qui sum).
Cette leçon s’inspire de la Septante qui donne « égô éïmi o ôn » c'est-à-dire mot à mot : « Je suis l’étant » c'est à dire « Je suis celui qui est, qui existe de lui-même ».
Pourquoi les juifs de langue grecque ont-ils choisi de traduire ce passage au présent alors que l’hébreu suggère qu’on le traduise au futur ?
Antoine Fabre d’Olivet n’hésitait pas à dire que les juifs du temps d’Esdras, qui parlaient en araméen, n’ « entendaient plus leur langue maternelle », c'est-à-dire n’avaient plus une compréhension aigüe et subtile de l’hébreu parlé par Moïse. (La langue hébraïque restituée, première partie - dissertation introductive, III)
Si c’était la vérité pour les juifs du retour d’exil ce serait encore plus vrai pour ceux de la diaspora qui s’exprimaient en grec.
Mais il y a une raison plus évidente encore.
Lorsque les juifs d’Alexandrie ont traduit leurs livres saints en grec ils avaient commencé à accepter certaines des croyances propres à la philosophie hellénistique notamment la croyance en l’immortalité de l’âme dite métempsychose – cf. Platon, Phédon.
Les rabbis de la synagogue qui partageaient cette croyance grecque formeront plus tard le groupe des pharisiens – cf. Flavius Josèphe, Histoire ancienne des Juifs, 18, II (selon la division d’Arnauld d’Andilly).
Imprégnés du monde philosophique ils concevaient leur Dieu à la façon de Platon.
Ce dernier voyait en la Divinité la cause motrice, l'essence suprême, l’idée, qu'il appelle indifféremment l'un, l'être ou le bien.
Les juifs d’Alexandrie ont pensés avant les pères de l'Église que Platon avait pressentie le Dieu unique et ont intégrés ses idées à leur intelligence de l'Écriture.
C'est le philosophe juif alexandrin Philon qui sera le principal représentant de cette mouvance judéo-platonicienne.
C’est pourquoi il ne faut pas voir l’Exode 3 :14 de la Septante comme une traduction mais plutôt comme une interprétation philosophique de la révélation du Nom divin.
Les partisans de la forme « Je suis ce que je suis » invoquent le choix retenu par les traducteurs de la Septante* et la transcendance divine, un Dieu « qui est » par opposition aux autres dieux « qui ne sont pas » résidant uniquement dans l’imaginaire des hommes qui leur vouent un culte.
*Un pasteur américain de l'Église Protestante Évangélique me dit un jour ironiquement : « Ceux qui ont réalisés la Traduction du Monde Nouveau sont (sous-entendu « se croient ») plus fort que les juifs qui ont traduit en grec ! ». Que penser alors des lettrés qui ont fait les mêmes choix de traduction ?
Pourquoi partout « je serai » et une seule fois « je suis » ?
Dans son Examen critique des doctrines de la religion chrétienne* (1860) Patrice Larroque, ancien recteur de l'académie de Lyon, nous offre une extraordinaire dissertation sur le passage d'Exode 3:14.
Je suis à chaque fois navré que la Trinité paraisse être considérée comme étant un dogme universellement reconnu par l'ensemble des confessions chrétiennes car cela n'est en rien le cas comme l'histoire l'a mainte fois démontrée et comme c'est encore moins le cas depuis le IXXème siècle.
Mais ce n'est évidement pas ici l'affaire de M. Larroque de s'étendre sur la question de l'acceptation universelle ou non de la Trinité mais plutôt d'en démontrer l'absurdité au Tome I et d'exposer ses conclusions concernant ce qu'il qualifie d'incident en Exode 3:14 au Tome II.
Il affirme que « le texte primitif, traduit exactement, signifie : « Je serai celui qui serai... JE SERAI m'a envoyé vers vous ».
Puis suit une très longue note explicative qui est en elle-même un véritable cours de grammaire hébraïque où l'on peut lire entre autre que « l'interprétation reçue par les théologiens est l'œuvre des Septante d'abord (…) puis de Saint Jérôme qui a partagé leur infidélité » et qu'un très grand nombre de textes bibliques indiquent que le rabbin et traducteur de la Bible Samuel Cahen se trompe en affirmant que « Ehyeh indique aussi bien le présent que le futur ».
L'auteur nous fourni une bonne vingtaine de versets où « Ehyeh » est traduit partout par « je serai » à commencer par Exode 3:12.
Il affirme n'avoir trouvé l'hébreu « Ehyeh » que « presque toujours employé avec la signification du futur, rarement avec celle du passé (...) mais jamais avec celle du présent ».
Il conclu sa note, longue de 3 pages, par ces mots : « Il y a donc lieu de s'étonner que ce passage soit le seul où le mot Ehyeh ait eu cette acception. »
Quand à moi, j'ajouterai qu'on peut se demander comment l'ensemble des traducteurs au fil des siècles aient pu traduire « Ehyeh » par « je serai », non seulement dans l'ensemble de la Bible mais encore au verset 12 d'Exode chapitre 3, et n'être plus en mesure de le faire au verset 14 ?
*Vous trouverez les deux volumes complet sur le site de la BNF.
Y a t il un rapport entre le « Ehyeh asher ehyeh » d'Exode 3:14 et « ego eïmi » dans la bouche de Jésus ?
Depuis longtemps le prologue de l'évangile de Jean n'est plus l'argument préféré des partisans de l'égalité entre Jésus et son Père.
On y préfère aujourd'hui la formule « je suis » chaque fois que Jésus l'emploi.
Les trinitaires croient y trouver la preuve que Jésus cherche à émettre un parallèle entre son identité humaine et sa divinité.
Selon eux chaque fois qu'il dit « je suis » il se présente comme celui qui s'adressa à Moïse, « ’Él Shadday », le Dieu Tout-Puissant des juifs (cf. Genèse 17:1 et Exode 6:2, 3).
Or presque chaque fois que Jésus dit « égô éïmi » le contexte indique qu’il fait allusion à son identité de Messie et non qu'il soit Dieu.
C’est la raison pour laquelle dans de nombreux passages il convient de traduire l’expression grecque par « je le suis ».
Cela ressort clairement dans sa conversation avec le femme samaritaine consignée en Jean 4:1-29 :
La femme lui dit: "Je sais qu’un Messie doit venir–celui qu’on appelle Christ. Lorsqu’il viendra, il nous annoncera toutes choses." Jésus lui dit: "Je le suis, moi qui te parle." - TOB
En Jean 8:24-29 encore le contexte indique qu'il parle de sa fonction d'envoyé de Dieu :
C’est pourquoi je vous ai dit que vous mourrez dans vos péchés ; car si vous ne croyez pas ce que je suis, (littéralement « que je suis » Ndlr) vous mourrez dans vos péchés. Qui es–tu ? lui dirent–ils. Jésus leur répondit : Ce que je vous dis dès le commencement. (le commencement de sa prédication, qu'il était le Messie ! Ndlr) (…) Jésus donc leur dit : Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous connaîtrez ce que je suis, et que je ne fais rien de moi–même, mais que je parle selon ce que le Père m’a enseigné. - Segond
Aux versets 24 et 28 Darby et la Bible annotée rendent « égô éïmi » par « c'est moi », Ostervald par « ce que je suis » et « qui je suis », Crampon par « je suis le Messie ».
Étonnamment la TOB, la Bible de Jérusalem ou la Bible à l'Épée préfèrent nous servir la formule d'Exode 3:14 « Je Suis » et avec majuscule s'il vous plait pour bien faire ressortir qu'ici Jésus s'identifie au Dieu d'Israël. La Bible à l'Épée de Jean Leduc va même jusqu'à ajouter au verset 24 « JE SUIS l'Éternel » !
Et que dire du cas où Jésus fait allusion à son ancienneté par rapport à Abraham ?
En Jean 8:58 Jésus déclare :
En vérité, en vérité, je vous le dis: Avant qu’Abraham fût, je suis (« Je Suis » dans TOB et Jérusalem, « JE SUIS » dans Épée).
Pourtant un certain nombre de manuscrits anciens qui nous sont parvenus allant du IVème au VIème siècle en syriaque, géorgien et éthiopien, font dire à Jésus « J'ai été » ou « j'étais ».
Voici ce que dit G. Winer dans son ouvrage A Grammar of the Idiom of the New Testament (Andover 1897, 7e éd., p. 267) : « Quelquefois le présent comprend aussi un passé (Mdv. 108), c’est-à-dire quand le verbe exprime un état qui a commencé à tel moment antérieur mais qui se prolonge encore — un état dans sa durée ; comme en Jn xv. 27 ἀπ’ ἀρχῆς μετ’ ἐμοῦ ἐστέ [ap’ arkhês mét’ émou ésté], viii. 58 πρὶν ᾿Αβραὰμ γενέσθαι ἐγὼ εἰμι [prin Abraam génésthaï égô éïmi]. »
De même, voici ce que disent J. Moulton et N. Turner dans A Grammar of New Testament Greek (Edinburgh 1963, vol. III, p. 62) : « Le présent qui indique la continuation d’une action pendant le passé et jusqu’au moment où l’on parle est pour ainsi dire une forme verbale perfective ; la seule différence c’est que l’action se conçoit comme étant encore en cours (...). On le rencontre souvent dans le N[ouveau] T[estament] : Lc 248 ; 137 (...) 1529 (...) Jn 56 ; 858 (...). »
Quand à ceux qui pensent que « égô éïmi », dont l'équivalent hébraïque est « ’ani hou’ », expression utilisée par Dieu dans l'Ancien Testament, puisse dans la bouche de Jésus servir à s'identifier avec le Dieu d'Israël chaque fois qu'il l'emploie, qu'ils scrutent et ils verront que cette expression peut autant servir à Dieu qu'aux hommes comme cela ressort clairement en 1 Chroniques 21:17 où l'on peut lire :
Et David dit à Dieu: "N’est–ce pas moi qui ai dit de faire le dénombrement du peuple? C’est moi (Littéralement : « et je suis lui », hébreu : « wa’ani-hou’ », grec : « égô éïmi » Ndlr) qui ai péché et qui ai fait le mal; mais celles–là, ces brebis, qu’ont–elles fait? Yahweh, mon Dieu, que votre main soit donc sur moi et sur la maison de mon père, mais non sur votre peuple pour sa ruine." - Crampon
« Yo seré el que seré » (Nueva Versión Internacional, note)
Certains traducteurs tel Samuel Cohen choisissent de ne pas traduire du tout les mots plaçant l'hébreu « Ehyeh asher ehyeh » au milieu du texte français ce qui donne « Heie qui (est) Heie », une phrase incompréhensible pour le commun des mortels.
D’autre choisissent, non de traduire le texte littéralement, mais d’en interpréter le sens telles Zadoc Kahn « Je suis l’Etre invariable ! », The Emphasized Bible de Joseph B. Rotherham « I Will Become whatsoever I please » (en français « Je deviendrai ce qui me plaît ») ou encore la Traduction du monde nouveau en anglais (1984) « I shall prove to be what I shall prove to be » (en français selon la version de 1974 « Je me révélerai être ce que Je me révélerai être »).
Mais la plupart des versions conservent la forme « Je suis » dans le texte.
On trouve parfois aussi « Je suis celui qui suis » ou encore « Je suis : Je suis ».
La leçon « Je suis qui je suis » a été popularisée en latin par Saint Jérôme (ego sum qui sum).
Cette leçon s’inspire de la Septante qui donne « égô éïmi o ôn » c'est-à-dire mot à mot : « Je suis l’étant » c'est à dire « Je suis celui qui est, qui existe de lui-même ».
Pourquoi les juifs de langue grecque ont-ils choisi de traduire ce passage au présent alors que l’hébreu suggère qu’on le traduise au futur ?
Antoine Fabre d’Olivet n’hésitait pas à dire que les juifs du temps d’Esdras, qui parlaient en araméen, n’ « entendaient plus leur langue maternelle », c'est-à-dire n’avaient plus une compréhension aigüe et subtile de l’hébreu parlé par Moïse. (La langue hébraïque restituée, première partie - dissertation introductive, III)
Si c’était la vérité pour les juifs du retour d’exil ce serait encore plus vrai pour ceux de la diaspora qui s’exprimaient en grec.
Mais il y a une raison plus évidente encore.
Lorsque les juifs d’Alexandrie ont traduit leurs livres saints en grec ils avaient commencé à accepter certaines des croyances propres à la philosophie hellénistique notamment la croyance en l’immortalité de l’âme dite métempsychose – cf. Platon, Phédon.
Les rabbis de la synagogue qui partageaient cette croyance grecque formeront plus tard le groupe des pharisiens – cf. Flavius Josèphe, Histoire ancienne des Juifs, 18, II (selon la division d’Arnauld d’Andilly).
Imprégnés du monde philosophique ils concevaient leur Dieu à la façon de Platon.
Ce dernier voyait en la Divinité la cause motrice, l'essence suprême, l’idée, qu'il appelle indifféremment l'un, l'être ou le bien.
Les juifs d’Alexandrie ont pensés avant les pères de l'Église que Platon avait pressentie le Dieu unique et ont intégrés ses idées à leur intelligence de l'Écriture.
C'est le philosophe juif alexandrin Philon qui sera le principal représentant de cette mouvance judéo-platonicienne.
C’est pourquoi il ne faut pas voir l’Exode 3 :14 de la Septante comme une traduction mais plutôt comme une interprétation philosophique de la révélation du Nom divin.
Les partisans de la forme « Je suis ce que je suis » invoquent le choix retenu par les traducteurs de la Septante* et la transcendance divine, un Dieu « qui est » par opposition aux autres dieux « qui ne sont pas » résidant uniquement dans l’imaginaire des hommes qui leur vouent un culte.
*Un pasteur américain de l'Église Protestante Évangélique me dit un jour ironiquement : « Ceux qui ont réalisés la Traduction du Monde Nouveau sont (sous-entendu « se croient ») plus fort que les juifs qui ont traduit en grec ! ». Que penser alors des lettrés qui ont fait les mêmes choix de traduction ?
Pourquoi partout « je serai » et une seule fois « je suis » ?
Dans son Examen critique des doctrines de la religion chrétienne* (1860) Patrice Larroque, ancien recteur de l'académie de Lyon, nous offre une extraordinaire dissertation sur le passage d'Exode 3:14.
Je suis à chaque fois navré que la Trinité paraisse être considérée comme étant un dogme universellement reconnu par l'ensemble des confessions chrétiennes car cela n'est en rien le cas comme l'histoire l'a mainte fois démontrée et comme c'est encore moins le cas depuis le IXXème siècle.
Mais ce n'est évidement pas ici l'affaire de M. Larroque de s'étendre sur la question de l'acceptation universelle ou non de la Trinité mais plutôt d'en démontrer l'absurdité au Tome I et d'exposer ses conclusions concernant ce qu'il qualifie d'incident en Exode 3:14 au Tome II.
Il affirme que « le texte primitif, traduit exactement, signifie : « Je serai celui qui serai... JE SERAI m'a envoyé vers vous ».
Puis suit une très longue note explicative qui est en elle-même un véritable cours de grammaire hébraïque où l'on peut lire entre autre que « l'interprétation reçue par les théologiens est l'œuvre des Septante d'abord (…) puis de Saint Jérôme qui a partagé leur infidélité » et qu'un très grand nombre de textes bibliques indiquent que le rabbin et traducteur de la Bible Samuel Cahen se trompe en affirmant que « Ehyeh indique aussi bien le présent que le futur ».
L'auteur nous fourni une bonne vingtaine de versets où « Ehyeh » est traduit partout par « je serai » à commencer par Exode 3:12.
Il affirme n'avoir trouvé l'hébreu « Ehyeh » que « presque toujours employé avec la signification du futur, rarement avec celle du passé (...) mais jamais avec celle du présent ».
Il conclu sa note, longue de 3 pages, par ces mots : « Il y a donc lieu de s'étonner que ce passage soit le seul où le mot Ehyeh ait eu cette acception. »
Quand à moi, j'ajouterai qu'on peut se demander comment l'ensemble des traducteurs au fil des siècles aient pu traduire « Ehyeh » par « je serai », non seulement dans l'ensemble de la Bible mais encore au verset 12 d'Exode chapitre 3, et n'être plus en mesure de le faire au verset 14 ?
*Vous trouverez les deux volumes complet sur le site de la BNF.
Y a t il un rapport entre le « Ehyeh asher ehyeh » d'Exode 3:14 et « ego eïmi » dans la bouche de Jésus ?
Depuis longtemps le prologue de l'évangile de Jean n'est plus l'argument préféré des partisans de l'égalité entre Jésus et son Père.
On y préfère aujourd'hui la formule « je suis » chaque fois que Jésus l'emploi.
Les trinitaires croient y trouver la preuve que Jésus cherche à émettre un parallèle entre son identité humaine et sa divinité.
Selon eux chaque fois qu'il dit « je suis » il se présente comme celui qui s'adressa à Moïse, « ’Él Shadday », le Dieu Tout-Puissant des juifs (cf. Genèse 17:1 et Exode 6:2, 3).
Or presque chaque fois que Jésus dit « égô éïmi » le contexte indique qu’il fait allusion à son identité de Messie et non qu'il soit Dieu.
C’est la raison pour laquelle dans de nombreux passages il convient de traduire l’expression grecque par « je le suis ».
Cela ressort clairement dans sa conversation avec le femme samaritaine consignée en Jean 4:1-29 :
La femme lui dit: "Je sais qu’un Messie doit venir–celui qu’on appelle Christ. Lorsqu’il viendra, il nous annoncera toutes choses." Jésus lui dit: "Je le suis, moi qui te parle." - TOB
En Jean 8:24-29 encore le contexte indique qu'il parle de sa fonction d'envoyé de Dieu :
C’est pourquoi je vous ai dit que vous mourrez dans vos péchés ; car si vous ne croyez pas ce que je suis, (littéralement « que je suis » Ndlr) vous mourrez dans vos péchés. Qui es–tu ? lui dirent–ils. Jésus leur répondit : Ce que je vous dis dès le commencement. (le commencement de sa prédication, qu'il était le Messie ! Ndlr) (…) Jésus donc leur dit : Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous connaîtrez ce que je suis, et que je ne fais rien de moi–même, mais que je parle selon ce que le Père m’a enseigné. - Segond
Aux versets 24 et 28 Darby et la Bible annotée rendent « égô éïmi » par « c'est moi », Ostervald par « ce que je suis » et « qui je suis », Crampon par « je suis le Messie ».
Étonnamment la TOB, la Bible de Jérusalem ou la Bible à l'Épée préfèrent nous servir la formule d'Exode 3:14 « Je Suis » et avec majuscule s'il vous plait pour bien faire ressortir qu'ici Jésus s'identifie au Dieu d'Israël. La Bible à l'Épée de Jean Leduc va même jusqu'à ajouter au verset 24 « JE SUIS l'Éternel » !
Et que dire du cas où Jésus fait allusion à son ancienneté par rapport à Abraham ?
En Jean 8:58 Jésus déclare :
En vérité, en vérité, je vous le dis: Avant qu’Abraham fût, je suis (« Je Suis » dans TOB et Jérusalem, « JE SUIS » dans Épée).
Pourtant un certain nombre de manuscrits anciens qui nous sont parvenus allant du IVème au VIème siècle en syriaque, géorgien et éthiopien, font dire à Jésus « J'ai été » ou « j'étais ».
Voici ce que dit G. Winer dans son ouvrage A Grammar of the Idiom of the New Testament (Andover 1897, 7e éd., p. 267) : « Quelquefois le présent comprend aussi un passé (Mdv. 108), c’est-à-dire quand le verbe exprime un état qui a commencé à tel moment antérieur mais qui se prolonge encore — un état dans sa durée ; comme en Jn xv. 27 ἀπ’ ἀρχῆς μετ’ ἐμοῦ ἐστέ [ap’ arkhês mét’ émou ésté], viii. 58 πρὶν ᾿Αβραὰμ γενέσθαι ἐγὼ εἰμι [prin Abraam génésthaï égô éïmi]. »
De même, voici ce que disent J. Moulton et N. Turner dans A Grammar of New Testament Greek (Edinburgh 1963, vol. III, p. 62) : « Le présent qui indique la continuation d’une action pendant le passé et jusqu’au moment où l’on parle est pour ainsi dire une forme verbale perfective ; la seule différence c’est que l’action se conçoit comme étant encore en cours (...). On le rencontre souvent dans le N[ouveau] T[estament] : Lc 248 ; 137 (...) 1529 (...) Jn 56 ; 858 (...). »
Quand à ceux qui pensent que « égô éïmi », dont l'équivalent hébraïque est « ’ani hou’ », expression utilisée par Dieu dans l'Ancien Testament, puisse dans la bouche de Jésus servir à s'identifier avec le Dieu d'Israël chaque fois qu'il l'emploie, qu'ils scrutent et ils verront que cette expression peut autant servir à Dieu qu'aux hommes comme cela ressort clairement en 1 Chroniques 21:17 où l'on peut lire :
Et David dit à Dieu: "N’est–ce pas moi qui ai dit de faire le dénombrement du peuple? C’est moi (Littéralement : « et je suis lui », hébreu : « wa’ani-hou’ », grec : « égô éïmi » Ndlr) qui ai péché et qui ai fait le mal; mais celles–là, ces brebis, qu’ont–elles fait? Yahweh, mon Dieu, que votre main soit donc sur moi et sur la maison de mon père, mais non sur votre peuple pour sa ruine." - Crampon
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